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Le choix et le devoir

Julien Le Fort
La Nation n° 1919 15 juillet 2011
La gauche et la droite offrent-elles des alternatives politiques opposées? La Nation n’a cesse de démontrer que, malgré leur vocation à se combattre, la gauche et la droite connaissent une certaine convergence. Cela est particulièrement remarquable dans la course à la centralisation.

Mais la gauche et la droite partagent d’autres éléments de pensée politique; il s’agit d’éléments qui sont dans l’air du temps. Les mécanismes d’incitation en sont un. Tant les partis de gauche que de droite proposent actuellement la mise en place de nombre de mécanismes d’incitation, en particulier en vue de préserver l’environnement. Ces mécanismes consistent soit à entraver certains comportements pour en rendre d’autres plus attrayants, soit à octroyer des facilités qui poussent les individus à adopter un certain comportement. Les mécanismes d’incitation sont donc un instrument technique en matière politique.

L’exemple le plus simple est celui des taxes: par une taxe, l’autorité politique renchérit un produit dans l’idée que les personnes y recourent moins. Qu’on pense seulement à l’évolution du prix des cigarettes! Mais il existe d’autres mécanismes d’incitation. On peut notamment envisager la mise en place de simplifications administratives. La loi fédérale sur l’aménagement du territoire sera peut-être bientôt modifiée dans le sens qu’il ne sera plus nécessaire de demander une autorisation de construire pour installer des panneaux solaires sur le toit de sa maison. On peut envisager également des illustrations plus concrètes: en matière de circulation routière, nombreux sont les gendarmes couchés faits pour inciter les automobilistes à éviter telle rue.

Ainsi donc, lorsque l’autorité politique souhaite qu’un individu adopte un certain comportement, elle peut l’y contraindre ou l’y inciter. Mais que l’autorité prenne garde: la méthode qu’elle choisit n’est pas indifférente! La perception qu’auront les individus de l’enjeu politique sera influencée par l’incitation ou la contrainte.

Lorsque l’autorité contraint, elle crée un devoir pour l’individu. Ce devoir appelle l’obéissance de l’individu, la soumission en vue d’un bien supérieur qui est le bien commun. Dans certaines circonstances, le devoir peut même prendre une allure de sacrifice au bénéfice de la communauté. Qu’on pense ici au service militaire. Le non respect du devoir appelle des sanctions; dans certaines circonstances extrêmes, ces sanctions peuvent conduire l’individu au martyre.

Par contre, lorsque l’autorité incite, elle appelle l’individu à opérer un choix selon son propre intérêt et à rechercher son bien individuel. L’existence de la communauté et le bien de celle-ci ne jouent plus de rôle pour l’individu; le bien commun est prétendument absorbé par les mécanismes d’incitation, de sorte qu’il converge avec les intérêts individuels et que les individus n’ont plus besoin de se soucier de la communauté.

On le voit: la contrainte et l’incitation ressortent à deux paradigmes distincts qui n’ont pas le même rapport au bien commun. La confusion des deux est néfaste. On voit notamment cette confusion lorsque les militaires peuvent très facilement échapper au service: ils se trouvent face à la possibilité de choisir entre le service et la taxe d’exemption. Chacun opère un choix selon ses affinités avec la chose militaire… et le niveau de ses revenus, puisque la taxe se monte à 3% du revenu imposable!

L’incitation et la contrainte ont chacune leur place dans la conduite d’un Etat ou d’une communauté intermédiaire. Toutefois, en bonne politique, les mécanismes d’incitation devraient conserver un rôle secondaire: le souci des individus pour la communauté devrait remplacer avantageusement les incitations, qu’elles soient financières ou autres. L’utilisation abusive des mécanismes d’incitation nourrit un individualisme forcené qui défait la communauté.

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