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Le dilemme des salaires minimaux

Jean-François Cavin
La Nation n° 2252 3 mai 2024

Lorsqu’une convention collective de travail (CCT), ayant reçu force obligatoire par décision de l’autorité publique, fixe un salaire minimum et qu’un canton, selon ses règles propres, en fixe un autre qui est supérieur, lequel doit-il être appliqué?

Nous sommes attachés aux bienfaits du partenariat social. Les CCT en sont la clé de voûte. Leur extension à toute la branche par décision de l’autorité est un facteur d’ordre professionnel et économique lorsque les conditions en sont remplies. Les salaires minimaux cantonaux (qui existent dans cinq cantons, Neuchâtel, Jura, Genève, Tessin, Bâle-Ville – Vaud est pour l’instant épargné) constituent une intrusion dans le domaine d’action des organisations patronales et syndicales, dont elles vident partiellement la substance. Et si les organisations professionnelles signent un accord avec des salaires inférieurs aux normes cantonales, elles doivent avoir de bonnes raisons d’agir ainsi. Primauté des conventions collectives de travail!

Nous sommes attachés à la souveraineté des Cantons. S’il leur semble bon, à tort ou à raison, de fixer un salaire minimum – et le Tribunal fédéral leur en reconnaît le droit dans le cadre de leur politique sociale – rien ne doit s’opposer à leur règlementation, souvent consacrée par un vote approuvant une initiative populaire. Primauté de la loi cantonale!

Alors? Le conseiller aux Etats Erich Ettlin, centriste d’Obwald, a déposé une motion approuvée par les Chambres visant à inscrire dans le droit fédéral la primauté des CCT étendues. Le Conseil fédéral n’y est pas favorable mais, tenu de donner suite, consulte les cantons et les organisations intéressées. Le Conseil d’Etat vaudois a donné sa réponse fin avril: c’est non à la motion Ettlin, priorité au droit cantonal. Notre gouvernement dit d’ailleurs son attachement au travail des partenaires sociaux; on ose en inférer qu’il n’est pas favorable à l’institution d’un salaire minimum légal vaudois.

Force est d’admettre le bien-fondé de la position du Conseil fédéral et du Conseil d’Etat. Juridiquement, les CCT, même revêtues de la force obligatoire pour toute la profession, restent des accords de droit privé; preuve en soit le fait que l’autorité ne peut pas les modifier, les proroger, les résilier; cela demeure l’affaire des signataires. Or le droit privé est d’un rang inférieur au droit public, qui vise l’intérêt général. Politiquement, on ne saurait nier que la souveraineté cantonale soit d’une importance institutionnelle plus grande que l’autonomie des professions organisées.

La bonne politique, bien sûr, c’est que les Cantons s’abstiennent de légiférer dans le domaine salarial. Si la pression en faveur d’une réglementation publique est trop forte, les syndicats devraient imposer que le salaire minimum cantonal ne s’applique pas dans les relations d’emploi régies par une CCT – étendue ou non – pour ne pas scier la branche sur laquelle ils sont assis.

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