Mélodie d’avril

Plaisir d’amour

Ne dure qu’un moment

Chagrin d’amour

Dure toute la vie

A en croire Denis Diderot, notre bon voisin de Langres, cette romance faisait fureur au hit-parade parisien vers 1780. Voilà qui ne rajeunit personne. Aujourd’hui, je vais vous parler d’une autre mélodie: celle d’avril.

C’est le mois où il suffit de tendre l’oreille pour entendre mille chants. Comme on dit en Alsace: Les six rondelles sont de retour. Pas qu’elles: on entend le merle moqueur, le gai pinson, qui faisait tressaillir le cœur de nos mères, le coucou-me-voilà, le sale moineau, la pie voleuse, la buse qui abuse, la cigogne porteuse, le rouge-gorge socialiste, le corbeau lettré anonyme, la corneille théâtrale, le geai d’eau.

Je me prélassais l’autre jour devant chez moi, débordant d’inactivité, méditant les pensées de mes philosophes favoris: Aristote, Thomas d’Aquin, Montesquieu, Fémina et L’Illustré. La nature était en fête et mon cœur aussi.

Soudain, un rugissement d’enfer, une cacophonie pétaradante, diabolique pour mes oreilles de mélomane. Je reconnus illico le vacarme infâme d’une tondeuse à gazon dernier cri, voire rugissant, celle de mon bon voisin Kevin, jeune homme charmant au demeurant. Je me lève pour voir où en est ce Guderian de la pelouse, cet Attila des herbages.

Il court à toute vitesse derrière son engin. Il exulte, il crie:

– Victoire!

– A l’attaque!

– Taïaut!

– Hourrah!

Je me penche au-dessus de ma haie. Il me voit. Il brandit une pousse de pissenlits et me lance:

– Chaque fois que je ratiboise une plante comestible, je me dis: Autant que les véganes n’auront pas !

Je me demande quelle mouche l’a piqué. Certes, avec les hirondelles, un tas d’insectes plus ou moins antipathiques sont de retour. Mais à ce point-là! Pourquoi tant de haine?

Et je me souviens que mon Kevin est fils de boucher et qu’il a laissé la boutique à son beau-frère.

A mon avis, il a gardé des parts dans l’affaire.