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IFD et TVA: Non à la pérennisation du temporaire

Kevin Belet
La Nation n° 2029 16 octobre 2015

Fin juin, le Conseil fédéral a une nouvelle fois émis la volonté de pérenniser, en supprimant leur limite temporelle, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et l’impôt fédéral direct (IFD). La Confédération cherche ainsi à s’assurer la perception constante de cette manne avoisinant les deux tiers de ses recettes.

L’enjeu financier est en effet devenu considérable pour la Confédération, car la TVA et l’IFD qui représentent respectivement, pour 2014, 22,5 et 18 milliards de francs, totalisent 64% de l’ensemble des recettes de la Confédération. Le Conseil fédéral souhaite, en abrogeant l’article 196 al. 13 et 14 de la Constitution fédérale, garantir la rentrée, au-delà de l’échéance de 2020, de ces impôts devenus primordiaux. Il estime précisément que la limite temporelle est devenue caduque vu l’importance de ces recettes.

Cette démarche foncièrement intéressée a de quoi laisser sceptique. En effet, le gouvernement a, depuis 1959, fait trois tentatives pour abroger la limite temporelle qui se sont toutes révélées infructueuses1.Lors de la votation populaire de novembre 2004, plus de 74% des votants ont accepté de proroger cette limitation dans le temps jusqu’en 2020. Rappelons, pour mémoire, que la TVA a été instaurée en 1995 pour remplacer l’impôt sur le chiffre d’affaires. L’IFD, quant à lui, remplace l’impôt pour la défense nationale depuis 1983.

Les problèmes d’une pérennisation sont multiples, bien que pour l’essentiel, ils se résument à un seul: peut-il encore y avoir un débat de société sur ce sujet. En effet, perpétuer ces impôts empêcherait leur remise en question régulière tant par les citoyens que par les parlementaires. Il en va de même de la fréquence des débats, qui serait soumise au bon vouloir des institutions fédérales. Il en serait fini de l’effet modérateur que peut avoir un vote sur les éventuelles ardeurs dépensières de l’Etat. En outre, la limite temporelle oblige les partisans de l’impôt à périodiquement le légitimer.

De son côté, le Conseil fédéral soutient qu’il existe d’autres moyens plus adaptés afin de garder un contrôle sur ces impôts. Il cite des mécanismes économiques tels que la compensation de la progression à froid ou le frein à l’endettement. Le problème de ces outils est leur grande complexité. La compensation de la progression à froid, par exemple, qui est la conséquence de la progression de l’impôt dans une situation d’inflation; en d’autres termes, quand il y a de l’inflation, la valeur nominale de notre revenu augmente afin que sa valeur réelle, son pouvoir d’achat, reste identique; le taux de l’impôt étant progressif, le revenu sera alors imposé à un taux plus élevé; afin de prévenir cet effet, il convient de déplacer la courbe du taux d’imposition. Cet exemple montre assez le risque que le débat devienne ésotérique et qu’une partie de la population en soit exclue.

La pérennisation souhaitée par le Conseil fédéral, en soustrayant un objet fiscal au débat public, permettrait d’éluder une autre question fondamentale qui mérite d’être régulièrement débattue, à savoir la répartition des impôts directs et indirects entre les Cantons et la Confédération. Question qu’il serait souhaitable de clarifier en attribuant un type d’impôt à un niveau politique.

Il convient alors de se demander si l’abrogation de l’impôt sur la bière, unique autre point de l’arrêté, est une contrepartie suffisante pour accepter cette pérennisation.

Notes:

1 Rapport explicatif relatif à l’arrêté fédéral concernant le nouveau régime financier 2021 du 24 juin 2015, p. 5.

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