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Du milliardaire suisse au milliardaire américain

Lionel Hort
La Nation n° 2095 27 avril 2018

Il y a quelque ressemblance entre Donald Trump et Christoph Blocher. La comparaison avait déjà été faite par des politiciens de gauche lors de la campagne présidentielle américaine de 2016, et c’est aussi ce qu’a défendu M. Stephen «Steve» Bannon lors de sa visite à Zurich, à l’invitation du conseiller national Roger Köppel et de la Weltwoche.

Steve Bannon, héraut de la révolution conservatrice américaine et de l’alt-right1, a choisi la Suisse alémanique pour débuter son grand tour européen de conférences. Après avoir été directeur exécutif de la campagne de Donald Trump, puis conseiller stratégique à la Maison Blanche, Bannon sillonne désormais l’Europe pour apporter la bonne parole populiste aux nations.

Malgré son éloignement récent du président américain, Bannon continue de défendre sa politique et de croire en l’élan de ses idées à travers le monde2. Une fois l’euphorie suscitée par le Brexit et l’élection de Donald Trump retombée, d’aucuns ont en effet considéré la défaite de Marine Le Pen à l’élection présidentielle française de 2017 comme la preuve de l’essoufflement de l’impulsion populiste en Occident. Néanmoins, hors du monde anglo-saxon, des pays comme l’Autriche, la Hongrie et la Pologne – l’Italie même récemment – restent sous l’influence de cette tendance politique.

Il est vrai qu’entre crise migratoire, terrorisme islamique et l’exemple d’une interprétation autoritaire du principe démocratique offert par l’Union européenne et par les gouvernements chinois, russe et turc, les partis populistes européens ont suffisamment de pain sur la planche.

Et si l’UDC suisse a bien pu faire office de pionnière pour ces mouvements, comme l’affirme Bannon, jusqu’à avoir directement influencé la campagne de Donald Trump, c’est que les thématiques portées par le populisme sont désormais librement discutées à l’international. La présence, lors de la conférence de Bannon à Zurich, de médias d’origines fort diverses – suisse et américaine bien entendu, mais aussi irlandaise ou chinoise – tend à confirmer cet état de fait.

Reste qu’il ne faut pas confondre le desserrement salutaire de l’étau du politiquement correct – bien plus lâche de nos jours que dans les années 1990 et 2000, grâce entre autres au populisme – et l’existence d’une véritable révolution, politique et surtout institutionnelle, durablement incarnée par les mouvements populistes. Cette inclination politique est encore par trop factice, légère et soumise aux aléas électoraux pour représenter une tendance pérenne affectant les démocraties occidentales: qui peut dire aujourd’hui si le prochain président américain ne sera pas un Justin Trudeau en pire?

Comme Christoph Blocher et Donald Trump, Steve Bannon est un homme d’affaires et un politicien. Mais en tant que journaliste et homme de médias, son domaine d’action principal est cette zone grise, cette ligne de démarcation floue, censée séparer le monde politique du monde médiatique – lieu du mensonge et de la compromission, lieu aussi de toutes les luttes dans les démocraties de marché et d’opinion qui sont les nôtres, à l’heure des médias de masse et des réseaux sociaux.

Entre propagande traditionnelle et combat métapolitique, il faut malgré tout prendre la pleine mesure des travaux des personnalités populistes – journalistes, publicistes, vidéastes, éditorialistes – et de leurs victoires.

Notes:

1  «Alt-right» pour droite alternative, sorte d’extrême-droite bariolée à l’américaine, très présente sur internet.

2  Voir à ce propos La Nation n° 2052, septembre 2016, Lionel Hort, «Etat des lieux du populisme».

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