Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Occident express 10

David Laufer
La Nation n° 2102 3 août 2018

J’ai passé une soirée avec quelques Serbes à Zurich. La plupart d’entre eux sont nés en Suisse et y vivent heureux. C’était une soirée estivale, presque méditerranéenne, sous les platanes fleuris de Seefeld. Je m’amusais à repérer leur accent suisse-allemand en serbe, eux s’amusaient, ou plutôt s’effaraient de découvrir mon histoire. Un Suisse de bonne famille qui CHOISIT d’aller vivre en Serbie! Et qui s’y plaît! Dans leurs remarques je percevais un vaste éventail d’émotions contradictoires. Actifs dans leur communauté, entrepreneurs prospères, honnêtes contribuables et férus de fondue, ils sont plus suisses que les Suisses. Mais ils portent le poids de leur condition d’émigrés économiques. Les efforts qu’ils produisent pour se construire une identité pas trop contrariée sont monumentaux. D’un côté, la Suisse est un père, sévère et protecteur. De l’autre, la Serbie est une mère aimante, d’autant plus adorée qu’on l’a abandonnée. Leur tête est suisse, leur cœur est serbe. Eux qui étaient hilares au début de la soirée, je les sentais pensifs désormais, presque mélancoliques. Moi, le Suisse de souche, celui qui, sans même le vouloir, leur rappelle tous les jours leurs origines, je vis à Belgrade, j’aime la Serbie et je parle serbe. C’était incompréhensible et merveilleux, c’était peut-être un mensonge, c’était une impossibilité, la remise en cause de trop de certitudes et de frustrations. C’était comme si j’avais le pouvoir de leur délivrer un permis d’aimer ouvertement leur pays. Mon seul souhait au moment de se dire adieu, alors que la nuit s’était rafraîchie, était pour eux d’être un jour accueillis en Suisse comme je le suis en Serbie.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: