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Questions sans réponses

Jacques Perrin
La Nation n° 2112 21 décembre 2018

Dans un pays d’abondance et de paix, il est difficile d’admettre le mal. Celui-ci est d’abord dénié et un humour involontaire enrobe parfois ce déni. Les questions sans réponses s’accumulent quand la presse relate certains événements étranges.

Un garçon de 19 ans est arrêté à la Vallée de Joux. Il a tué un autre jeune à Yverdon. Il est connu des services de police pour actes de violence, infractions contre le patrimoine et infractions à la loi sur les stupéfiants. Les gens disent qu’il est agité, mais gentil. Une maman affirme: Il a une gueule d’ange. Tout le monde se rappelle la bonne réputation de la famille. Malgré cela il a mal tourné, ils ne savaient pas qu’en faire, dit un voisin.

Pourquoi Gueule d’ange a-t-il fini par tuer? On a l’impression que les gens vivent dans une série télévisée. Ils croisent leur prochain sans le connaître vraiment.

Les prisons vaudoises regorgent de dealers. Les dealers incarcérés sont immédiatement remplacés dans les rues. Il y a donc une demande énorme de drogue. Pourquoi une partie non négligeable de nos concitoyens a-t-elle besoin de fuir la réalité en consommant des stupéfiants?

En cinq mois, trois gymnasiens yverdonnois se sont suicidés. Une rumeur court selon laquelle il existe une liste d’élèves à harceler jusqu’à ce qu’ils se donnent la mort. La police enquête, personne n’a jamais vu cette liste et il semble qu’elle n’existe pas. Cellule de crise, soutien psychologique. Les journalistes se pressent chez le directeur de l’établissement. Les élèves se plaignent. Le directeur doit être d’une envergure inhabituelle, car on lit dans 24heures : Assis autour d’une table dans son bureau, le directeur nous confirme qu’il a entendu les remarques… (Ah! la délicieuse rupture de construction… mais passons).

En outre, le moral des gymnasiens est miné par l’ambiance dans les classes. Des enseignants les rabaissent et les dévalorisent. Vous n’êtes pas capables, vous n’avez pas un beau futur, disent ceux-ci. Certains élèves boivent de la vodka en classe ou fument des joints pour résister à la pression et tenir pendant les cours. Les professeurs et les concierges ne disent rien, mais Léo corrige : si, ils nous saluent car ils sont polis […] il faudrait vraiment que le gymnase serre la vis.

A-t-on affaire à des exagérations journalistiques comme une gymnasienne le laisse entendre quelques jours plus tard dans une lettre à 24heures? Pourquoi certains élèves ressentent-ils une pression si forte alors qu’ils ont choisi de suivre des études académiques? Pourquoi des professeurs les estiment-ils incapables? Pourquoi Léo souhaite-t-il que la direction serre la vis? Les adultes n’exigent-ils pas suffisamment de ces jeunes? Le laisser-aller règne-t-il?

Dans un établissement scolaire neuchâtelois, durant une leçon de couture, un jeune élève se fait rouer de coups de pied à la tête par un camarade. Il est hospitalisé dans un état comateux. Cellule de crise, intervention des psychologues. Le Matin Dimanche donne la parole aux témoins et aux autorités: C’est un acte isolé […] Le coupable, qu’on ne connaissait pas vraiment, toujours discret, a frappé puis a fondu en larmes […] il n’y a aucun problème de violence dans cette école. Le vivre-ensemble fonctionne bien […] La sérénité règne dans les établissements scolaires […] Il ne faut pas faire d’amalgames […] Un enseignant ne peut pas avoir les yeux partout. Et donner un coup de pied en pleine figure, ça ne prend pas dix minutes. En une fraction de seconde le mal est fait.

Le coupable a été mis à l’isolement. Il risque une mise à pied (?) et bénéficiera de l’accompagnement qui va de pair (?).

Y a-t-il eu un ou plusieurs coups? Pour qu’une telle scène soit possible, ne faut-il pas que le cogneur se soit levé pour frapper tel un karatéka ou que la victime ait été à terre? L’institutrice n’a rien vu ni entendu? Et les autres élèves? Pourquoi tant de précautions dans les commentaires? Pourquoi cet irénisme, cette façon de peindre l’école en rose? Tout allait si bien dans ce collège aux allures paisibles, qui n’avait jamais connu d’autres problèmes que ceux de la discipline scolaire ordinaire…

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