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Occident express 20

David Laufer
La Nation n° 2112 21 décembre 2018

Les Suisses et les Serbes sont des petits peuples qui disent non. Se distinguant, l’un par sa neutralité, l’autre par son bellicisme, les deux semblent contempler le monde qui passe sous leurs fenêtres avec la dernière méfiance. Farouchement anti-mondialistes, démocrates par devoir plus que par conviction, claniques par nature, ces deux-là sont plus semblables qu’il n’y paraît. Leurs mythes fondateurs pourraient expliquer ces communes dilections. Guillaume Tell a assassiné Gessler, le représentant de l’Empereur, au «Chemin creux» en 1307 et Miloš Obili? a assassiné le Sultan Mourad à la bataille de Kosovo en 1389. Dans les deux cas, ce sont des actes de bravoure qui n’ont pas modifié le cours de l’histoire. Guillaume comme Miloš sont des hommes du peuple, pas des riches, pas des seigneurs. Ils tuent l’occupant sans réfléchir aux conséquences de leur acte, par principe plus que par devoir. Ils ne calculent pas, Guillaume et Miloš, ils n’ont peur de rien. Ils disent non. Ils font du meurtre un sacrement, de la violence un devoir, de l’isolement une vertu, de l’honneur une religion, du compromis une trahison, du calcul un sacrilège. L’un et l’autre sont des mythes non seulement parce qu’ils n’ont pas existé mais aussi parce qu’ils ne proposent pas de solutions pratiques: ils ne font que rappeler un principe absolu qui ne peut exister qu’en-dehors des contraintes de la réalité. Et puis Guillaume et Miloš ne sont pas les enfants du XIVe mais du XIXe siècle, à l’heure où les nationalismes naissants exigeaient les preuves d’un passé lointain, héroïque et glorieux, pour convaincre les ouvriers de se faire soldats. Ils sont l’imaginaire Ligne Maginot que l’on érige à la hâte autour de quelques maigres frontières. Comme la rose du Petit Prince qui, vantant ses quatre petites épines, avertit: «Ils peuvent venir, les tigres, avec leurs griffes!» Qui tueraient-ils aujourd’hui, Guillaume et Miloš? Sont-ils aux aides sociales, dépressifs et inadaptés, ou bien attendent-ils leur heure?

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