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L’élection du Conseil fédéral

Jean-François Cavin
La Nation n° 2138 20 décembre 2019

Le Conseil fédéral est élu à la proportionnelle, selon les forces des partis. Chacun sait cela. En particulier les commentateurs de l’élection du 11 décembre dernier qui crient au scandale parce que la candidate verte n’a pas passé la rampe, en violation du principe fondamental. La proportionnelle: parce que c’est juste. Surtout au bénéfice des écologistes pastèque. Quand la poussée de fièvre électorale favorisait l’UDC et justifiait un second siège gouvernemental pour ce parti, l’affaire était moins évidente; car l’UDC inquiète. Tandis qu’avec Mme Regula Rytz, que ses votes situent à l’extrême gauche du parlement, il n’y avait pas de souci à se faire; tout dérapage conservateur était exclu. Son échec est donc celui de notre démocratie; les grands électeurs ont foulé aux pieds la règle sacrée, gravée dans le granit suisse de la Constitution à son article…

… Quel article donc? Voyons dans les numéros 170 et suivants. On ne trouve pas. Bizarre. Au chapitre de la composition du Conseil fédéral, on lit seulement à l’alinéa 4 de l’article 175 que «les diverses régions et les communautés linguistiques doivent être équitablement représentées». Voilà pour les vieilleries. Mais la proportionnelle, où est-elle affirmée? Nulle part? Un oubli, assurément; la Constitution a tort puisque les commentateurs ont raison. Au nom de la justice.

A propos de commentaires, on n’a lu nulle part qu’en cas d’élection de Mme Rytz, il y aurait eu deux Bernoises au Conseil fédéral; quant à la représentation équitable des régions et des communautés linguistiques, ce n’eût pas été idéal. Mais on s’en moque, car les équilibres intercantonaux ne sont pas dans le vent.

Soyons sérieux. Passé le temps où les radicaux, bâtisseurs de la Suisse moderne, monopolisaient le pouvoir exécutif, l’idée d’un gouvernement consensuel s’est peu à peu imposée. Les conservateurs-catholiques ont été les premiers à en bénéficier, bien plus tard les agrariens, puis les socialistes; plus tard encore, M. Martin Rosenberg, secrétaire des conservateurs, a promu l’idée de la «formule magique», qui assurait deux sièges à son parti en échange d’une alliance avec les socialistes gagnant leur second fauteuil. La répartition à raison de deux radicaux, deux PDC, deux socialistes et un agrarien est restée inchangée durant des décennies, jusqu’à ce que l’UDC ex-agrarienne ait confirmé être assez nombreuse (mais elle a dû attendre un peu) pour décrocher un second siège au détriment du PDC. Les choses évoluent donc, assez lentement et c’est plutôt un bien puisque la Suisse tire une certaine force de sa continuité. L’idée que la composition du Conseil fédéral reflète les tendances principales et durables de l’électorat trouve une certaine justification dans notre régime référendaire: on ne peut pas gouverner la Confédération contre le peuple.

Mais on est loin d’un automatisme arithmétique, car la composition de l’exécutif résulte de plusieurs critères. Le premier est celui de la représentation des cantons, dont aucun ne doit avoir la haute main sur l’appareil confédéral; la règle claire d’autrefois – pas plus d’un conseiller fédéral par canton – a fait place à du droit mou avec les notions de région et de communauté linguistique; mais c’est à juste titre que cette disposition – et elle seule à l’exclusion de la représentation des partis – figure dans la Constitution, car elle répond à une nécessité institutionnelle permanente, alors que les programmes et les promesses des partis fluctuent. Et le choix est d’autant plus compliqué qu’il faut encore tenir compte du sexe. Et éventuellement de la compétence…

L’événement n’a donc pas eu lieu le 11 décembre. Pas de coup de sac. Les commentateurs sont frustrés. La vie fédérale manque de rebondissements sensationnels. Or notre Confédération composite, trop compartimentée pour s’offrir de grands élans, s’accommode très bien d’une réélection sans histoire, dans la grisaille d’un matin d’arrière-automne.

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