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Netflix, l’industrie du divertissement

Simon Laufer
La Nation n° 2145 27 mars 2020

Je lis, on organise la vie de famille, je regarde le film dans la bibliothèque que je surveillais du coin de l’œil depuis quelques mois, je lis un autre livre… Inéluctablement je commence à faire le tour des activités à disposition sur ces quelques mètres carrés dont je dois désormais me suffire. Ayant toujours eu de la peine avec le système et l’offre que propose Netflix, je ne m’y étais jamais réellement essayé. Ce n’est pas faute de m’y avoir poussé, mon entourage ne cesse d’en parler. Ça ne coûte «presque rien» et donne accès à «presque tout», me disait-on. Merveilleux, exactement ce dont je rêvais en ces temps de confinement.

Le premier sentiment, celui dont tout le monde me parle, est évidemment exaltant. Du contenu filmographique à perte de vue, en accès immédiat, pour effectivement «presque rien» (environ 15 francs par mois). Des plus grands films de gangsters aux œuvres plus personnelles, en passant par des aventures épiques et autres thrillers. C’est donc vrai, tout est là, sous mes yeux. Je ne peux pas physiquement les toucher certes, mais j’y ai accès maintenant et en quantité illimitée. A peine arrivé sur la page d’accueil que je vois enfin toutes les séries dont mon entourage ne cessait de parler, Vikings, The Walking Dead, Westworld, Peaky Blinders… la liste n’en finit pas. Mon regard croise aussi d’excellents films, tous déjà vus. Gladiator, Interstellar, Forest Gump, The Revenant, etc. Une épopée culturelle en libre accès.

Néanmoins je me connais, je peine à accrocher aux séries, quelles qu’elles soient. Leur format, leur manière de nous harponner pour regarder le prochain épisode, l’investissement que cela nous demande, bref elles me gênent. J’essaye donc quelques noms connus, mais rapidement je me lasse. Peu importe, ma liste de «films à voir» va enfin pouvoir s’alléger! Je me mets donc au travail et commence à taper avec impatience quelques titres qui me tiennent à cœur. Pas de résultats. Pas grave, ma liste compte une cinquantaine d’œuvres. Deuxième tentative, rien non plus. Bon, oublions les films de «niche». Troisième tentative, rien. Le rêve s’estompe, l’ennui me rattrape. Quatre, cinq, six, rien, rien, rien. On m’avait prévenu, l’offre cinématographique est relativement limitée, mais je reste un peu déçu. Tant pis, le confinement n’est pas près de s’arrêter et ma désormais fameuse liste a encore de quoi répondre. Sept, huit, neuf, le «presque tout» prend une tournure ironique, presque embarrassante. Vingt-deux échecs plus tard, j’abandonne, las. Le rêve s’est évanoui.

Netflix n’est manifestement pas une plateforme dédiée au cinéma mais au «divertissement». Hors des films issus de la culture populaire, vous trouverez difficilement satisfaction. Dire que l’offre cinématographique de Netflix est limitée tient de l’euphémisme. Mais s’arrêter à ce constat est inutile, les résultats sont là. Le dernier magasin du canton entièrement dédiée à la vente de DVD, vient de fermer ses portes. Netflix divertit plus, pour moins cher. Peu importe si les cinéphiles ne sont pas comblés, la «majorité», elle, l’est. Je me demande cependant comment évoluera le marché une fois que les concurrents directs de Netflix s’y seront implantés et auront leurs propres exclusivités. Les abonnements mensuels s’empileront, cachant des bibliothèques vides. Peut-être qu’un jour un service fermera ses portes, avec l’offre que le public s’était appropriée. Les meubles vides prendront alors une vaste place, laissant un goût amer chez leurs possesseurs dépossédés.

A peine découvert, Netflix me lasse déjà. Ma liste attendra la fin du confinement. Ma soirée se libérant, je songe à redécouvrir certaines œuvres de Tarkovski. Vite, c’est l’heure de «l’apéro-skype» et ma bibliothèque, encore pleine de mystère, m’appelle.

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