Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Ah! La voiture…

Jean-François Cavin
La Nation n° 2218 13 janvier 2023

Notre écho Un « contrat» bancal, paru dans La Nation no 2216, nous a valu une réponse de M. Benoît Gaillard:

En usant notamment d’une comparaison féline qui, je l’admets, m’a tiré un sourire, un membre de la rédaction de La Nation revenait brièvement dans votre dernier numéro sur un texte d’opinion que j’ai donné à 24 heures il y a quelques semaines. De toute évidence, il ne soutenait pas mon point de vue.

Il me semble utile, ici, de répondre sur deux plans. D’abord, très concrètement: la nouvelle répartition de l’espace public urbain que j’appelle de mes vœux ne contiendra en effet pas beaucoup de mesures en faveur de la voiture individuelle, car celle-ci part d’une telle position de force qu’on voit mal quels avantages nouveaux lui octroyer. Il faudrait méconnaître crassement l’histoire pour nier que la deuxième partie du XXe siècle a été consacrée à adapter les villes à l’automobile. Il y a à partir de là deux points de vue: celui qui estime que la situation qui en découle, et qui était celle des principales agglomérations vaudoises au début de ce siècle, mérite d’être mise en perspective et corrigée pour redonner aux rues et aux places d’autres fonctions que d’êtres des routes et des parkings; celui qui au contraire considère que la voiture personnelle partout et tout le temps, c’est le summum de l’avancement humain, qu’importent les bouchons, les accidents, la pollution, le bruit. Que La Nation croie devoir se ranger derrière le progressisme simplet et technophile, derrière l’adhésion naïve au produit le plus typique du consumérisme des Trente glorieuses que traduit la seconde position ne laisse de me surprendre.

Car enfin, deuxièmement, il est utile d’analyser sérieusement les effets de l’automobile sur la vie sociale et culturelle. La voiture a ouvert de nouveaux horizons à de nombreuses couches de la population, démocratisant et accélérant les déplacements. Rien que cette amélioration n’est déjà pas sans ambiguïté du point de vue du développement de la société, mais je laisse ici cette question ouverte car elle dépasserait de loin le cadre de la présente réplique. Ce qui est à mon avis plus univoque, c’est la catastrophe que constitue l’aménagement du territoire et de l’urbanisme pensé uniquement sous l’angle de la compatibilité avec l’automobile. Il faut d’ailleurs rappeler qu’en Suisse comme ailleurs, la voiture a d’abord dû être imposée par des milieux économiques puissants à des populations qui ne voyaient pas pourquoi leurs lieux de rencontre, de déambulation et de déplacement à pied ou à cheval devaient devenir l’endroit d’une circulation rapide et dangereuse. Il n’y a même pas cent ans que les voitures ont le droit de circuler dans le canton des Grisons. Pourquoi les défenseurs d’une idée ambitieuse de la communauté, de son unité et de la primauté de certains devoirs et liens collectifs sur la liberté individuelle ne se posent-ils pas la question de savoir comment on a pu, au nom de la bagnole, au pire détruire et au mieux rendre impropre à toute émotion esthétique ou à tout échange humain tant les centres historiques de nos villages vaudois que les places et rues de nos villes? Pourquoi ne s’interrogent-ils pas sur le modèle de relations entre membres de la même communauté que créé et promeut l’automobile? Ces questions appellent des réponses nuancées, certes, mais se les poser sérieusement permettrait d’éviter les oppositions faciles. Choisi ou inconscient, l’aveuglement qu’elle manifeste sur ce sujet n’honore pas La Nation.

Benoît Gaillard

 

Saisissant l’occasion d’une pichenette que nous lui lancions, M. Gaillard développe un réquisitoire contre la civilisation de l’automobile. Nous n’allons pas ici présenter une réflexion d’ensemble sur le sujet, mais nous limiter à trois remarques.

La première est que, si notre contradicteur nous décrit comme des «pro-bagnole» simplets, technophiles et aveugles, c’est qu’il a bien mal lu notre petit texte; celui-ci se bornait à relever que l’initiateur d’un nouveau contrat social urbain était en réalité bien partial; on n’y trouve pas un mot célébrant la voiture. En fait d’aveuglement…

La seconde est que, dans sa philippique, M. Gaillard confirme sa condamnation fondamentale de la place que l’automobile a prise dans notre société, avec de rares et maigres nuances.

Enfin, nous sommes sensibles à la plupart des critiques de M. Gaillard envers la présence parfois gênante de la voiture; mais nous en voyons aussi les grands avantages et, surtout, nous pensons qu’il ne faut pas diaboliser un moyen de locomotion qui existe bel et bien, et dont il faut admettre la place dans nos vies. Même en ville. Selon un «nouveau contrat de mobilité urbaine», si l’on veut, mais dont le pouvoir rose-vert admette qu’il ne soit pas léonin.

J.-F. C.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: