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Un vernissage chez les francs-maçons

Lionel Hort
La Nation n° 2218 13 janvier 2023

C’est un euphémisme de dire que la franc-maçonnerie intrigue. Organisation ancienne, elle entretient une image sectaire et occulte. Lorsque l’on réfléchit à son influence idéologique, on pense immanquablement à la triste Révolution, au régime démocratique et à sa devise «Liberté! Egalité! Fraternité!» – sans oublier, chez nous, l’ombre du parti radical.

Le vernissage du tome 130 de la Revue historique vaudoise (RHV) s’est tenu le 3 décembre dernier dans les locaux de la loge Espérance et Cordialité, discrètement installée non loin du siège de l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud. Paru sous la direction de Mme Sylviane Klein, présidente sortante de la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie, ce volume est principalement consacré à l’histoire en clair-obscur de la franc-maçonnerie vaudoise.

Après un accueil amical dans les locaux de la loge lausannoise, Mme Klein a commencé par présenter le contenu de la RHV 2022. Devant une centaine de personnes – profanes et initiés mêlés –, le vernissage s’est poursuivi par une conférence de M. Olivier Meuwly évoquant la figure du radical Paul Maillefer1, personnage au parcours caractéristique. Ce dernier a en effet été à la fois cofondateur, en 1893, de la RHV, syndic de Lausanne, quasi-conseiller fédéral, et bien entendu franc-maçon. Après un moment de discussion avec le public, la rencontre s’est achevée par une agape et des visites commentées des deux temples, répartis sur deux étages.

On doit au rédacteur en chef David Auberson un volume intéressant, contenant une douzaine de contributions centrées sur la franc-maçonnerie, ainsi qu’un article hors dossier, une rubrique nécrologique et les habituels comptes rendus d’une vingtaine d’ouvrages historiques parus entre 2020 et 2022.

Concernant les sujets traités, le dossier thématique commence par une présentation générale de la maçonnerie vaudoise, insérée dans le contexte helvétique et européen des trois derniers siècles. Quelques coups de projecteur sont également faits sur des organisations particulières, comme l’ancienne loge Espérance et Cordialité qui accueillait le vernissage. Sont aussi discutés sans fard les problèmes historiographiques posés par l’étude d’une société secrète ou prétendument discrète, notamment la question de l’accès aux archives des loges, généralement en mains privées.

Les liens, importants et sensibles, entre maçonnerie et politique sont également abordés, avec un article panoramique d’Olivier Meuwly, pendant de sa présentation sur Paul Maillefer, ou encore des articles spécifiques évoquant entre autres l’initiative antimaçonnique du colonel Arthur Fonjallaz de 19372 ou la place, proportionnellement réduite, des femmes dans les loges, parfois féminines ou mixtes. Enfin, l’ouvrage, bien illustré, n’oublie pas de traiter de l’architecture et de la symbolique troublante des temples maçonniques.

Signalons que l’article hors dossier, consacré à la secte des Ames intérieures, s’insère cependant parfaitement dans le volume. En effet, la contribution fouillée sur laquelle M. Adrien Bastian a planché aborde un autre aspect de l’ésotérisme vaudois des XVIIIe et XIXe siècles, complémentaire à celui de la maçonnerie, mais davantage confidentiel. Geste de transparence indispensable, on trouve en fin d’ouvrage, aux côtés de l’index, une liste des auteurs qui indique explicitement lesquels sont initiés.

Rappelons tout de même que la doctrine maçonnique pose en soi problème. Alphonse Morel démontrait3 qu’en plus de ses vices secondaires – «le fameux secret et la courte échelle», soit l’absence de transparence et le copinage – le danger principal posé par la maçonnerie reste l’esprit général de sa doctrine: «Libéralisme religieux et politique, tolérance envers les ennemis de la patrie pourvus des mêmes droits que ses défenseurs, décadence de l’intelligence qui ne croit plus aux vérités, affaiblissement du caractère qui n’est plus nourri par les sentiments qu’engendrent les fortes convictions, tout cet amollissement de la société, des doctrines et des personnes est l’œuvre de l’esprit maçonnique. Car tout spiritualisme n’est pas divin.» Ce relativisme antichrétien et ésotérique est toujours contestable.

Cette précision faite, nous recommandons cependant l’acquisition de cette captivante étude à toutes les personnes intéressées par l’histoire religieuse et politique de notre pays4 et pouvons affirmer qu’il contribuera bien à faire passer – comme le souhaite son titre – la maçonnerie vaudoise «de l’ombre à la lumière».

Lionel Hort

1   Voir l’entrée de Patrick de Leonardis: «Maillefer, Paul», in: Dictionnaire historique de la Suisse (DHS). En ligne: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/004336/2009-12-03/

2   Voir l’article d’Alphonse Morel dans La Nation n° 83 de novembre 1937.

3   Voir encore La Nation n° 83, p. 2.

4   L’ouvrage et sa table des matières peuvent être consultés et commandés à cette adresse: https://svha-vd.ch/rhv-2022/

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