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Le Conseil fédéral et les inspecteurs du racisme

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2226 5 mai 2023

Des experts de l’ONU ont débarqué en Suisse au début de l’année passée pour évaluer l’état de notre racisme et de notre xénophobie à l’égard des personnes «d’ascendance africaine». En neuf jours, ils ont passé à Berne, à Lausanne, à Genève et à Zurich. Ils ont visité un établissement pénitentiaire et le Centre de la Blécherette.

Ce bref séjour leur a suffi pour «constater» que les stéréotypes racistes sont omniprésents en Suisse, en particulier dans les domaines de la police, de la santé et de l’éducation. Ils se sont sentis habilités à dénoncer, comme un fait établi, le «racisme systémique» des Suisses et l’«impunité des forces de l’ordre». Ils n’ont même pas hésité à affirmer que «la richesse moderne de la Suisse est directement liée à l’héritage de l’esclavage»1.

Enquête à charge, hâtive et superficielle, préjugés automatiques, généralisations abusives, conclusions extravagantes… et pourtant, l’officialité reçoit ce rapport comme s’il s’agissait d’un travail fiable et digne du plus haut intérêt.

Ces gens pensent qu’ils nous connaissent mieux que nous nous connaissons nous-mêmes. Ils savent, puisqu’ils sont des experts de l’ONU. Ils savaient d’ailleurs avant d’arriver. Et contre-argumenter sur les faits est indécent, c’est pratiquer la «culture du déni».

Répondant au groupe de travail, l’ambassadeur Jürg Lauber a regretté publiquement que de nombreuses conclusions générales semblent se baser sur un ou quelques cas individuels seulement.

La distinction que fait M. Lauber est capitale. Personne n’a jamais nié que des actes racistes soient commis en Suisse. La presse est attentive à nous les faire connaître. Mais l’accusation de «racisme systémique», on dit aussi «structurel», va infiniment plus loin que la dénonciation de cas particuliers. Elle touche l’ensemble de la population, et pas seulement les racistes avérés. Elle met en cause nos institutions politiques et nos mœurs (discriminantes), notre manière de rendre la justice (inégalitaire), notre langage (claffi de stéréotypes racistes), notre humour (humiliant pour les peuples de couleur) et, finalement, notre civilisation elle-même, raciste jusque dans ses structures les plus élémentaires. Ces gens-là ne se rendent pas compte de ce qu’ils disent. A les suivre, il faudrait tout démolir et tout refaire à partir de rien.

Dans la foulée, le Service fédéral de lutte contre le racisme (SLR) a mandaté le «Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population» (SFM) de l’Université de Neuchâtel pour dresser un premier «état des lieux du racisme structurel en Suisse». Il en a tiré une synthèse de 13 pages intitulée Racisme structurel en Suisse. Ce titre signifie que l’existence du racisme structurel ne se discute même pas. La brochure porte l’écusson rouge à croix blanche sur la couverture. Elle engage donc le Conseil fédéral, lequel a pris parti et s'est rendu sans combattre aux conclusions de l’étude: la Suisse est officiellement frappée de racisme systémique2.

On retrouve dans cette affaire la même ambiance frileuse et poltronne, la même perte fébrile de contrôle, le même aveuglement officiel que lors de l’affaire des fonds en déshérence et du Rapport Bergier. Celui-ci contenait des accusations infamantes sur l’attitude des autorités fédérales durant la guerre. En tant qu’autorité politique, le Conseil fédéral d’alors, nous étions en 1996, aurait dû, à tout le moins, prendre une distance critique à l’égard de ce rapport tendancieux. Il a préféré céder aux pressions extérieures et accepter le rapport sans la moindre réserve, insoucieux des dégâts moraux que cela causerait dans la population.

Les auteurs de la synthèse, bien que fonctionnaires de l’administration fédérale, sont eux aussi orientés idéologiquement. Et ils ont eux aussi profité de l’occasion pour faire avancer leur idéologie. Là encore, le Conseil fédéral aurait dû les renvoyer à leurs études et affirmer que ce texte, en porte-à-faux tant avec le discours de M. Lauber qu’avec la réalité, n’était pas publiable sous le label de la Confédération. Il a canné.

Il devait contester la notion même de «racisme systémique», concept polémique qui introduit d’inutiles germes de discorde dans les populations suisses. Il devait surtout rappeler que la Confédération est souveraine et que les Etats cantonaux, qui intègrent sans grands problèmes une importante quantité d’étrangers, sont assez adultes pour juger eux-mêmes qui passe les bornes, et quand.

La première tâche du Conseil fédéral est de défendre les Suisses, même douteux, contre toute agression extérieure. La venue des inspecteurs du racisme en était une.

Notes:

1   Le Temps du 26 janvier 2022: «Des experts onusiens dénoncent un racisme systémique en Suisse».

2   En première page, on trouve cette définition du racisme systémique: mécanisme de discrimination ou d’exclusion de groupes racisés qui plonge ses racines dans notre société et se manifeste par des valeurs, des actes et des représentations normatives qui se sont développées au cours de l’histoire. Ce phénomène, qui traverse la société, les institutions et les entreprises… etc.

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