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La Ville de Lausanne ne veut plus voir de voitures, même en peinture

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2236 22 septembre 2023

Au début du mois de septembre, notre région a une nouvelle fois été secouée par une terrible affaire, qui a éclipsé pendant quelques jours nos angoisses climatiques. Des yeux innocents ont en effet été exposés à des affiches montrant une belle voiture contre laquelle s’appuyait une belle femme en robe, les deux dans des tons assortis de jaune et d’orange.

Une honorable citoyenne a aussitôt appelé la Sécurité d’Etat pour signaler la chose. Experts, psychologues, docteurs en morale et commissaires du peuple se sont alors mobilisés, la commission cantonale de censure des publicités immorales et des images indécentes est intervenue pour décréter la mise à l’index de l’affiche jugée «aguicheuse», et la Municipalité de la capitale a ordonné en toute hâte la disparition de celle-ci.

On ne sait pas exactement ce qui a été jugé le plus choquant, du mannequin engagé par la marque automobile ou de la voiture elle-même. Il est de toute façon inapproprié que les masses populaires puissent apercevoir quoi que ce soit de beau, tout comme il est inapproprié qu’on leur donne des envies de liberté, ou simplement l’envie d’acheter quelque chose – à plus forte raison s’il s’agit d’un moyen de transport individuel. Les résultats élogieux du sondage mené dans la presse au sujet de cette affiche ont montré à quel point le peuple avait encore besoin de rééducation dans ce domaine.

Demain, les murs de nos villes seront couverts de magnifiques affiches grises vantant le modèle unique de vélo-cargo produit dans une fabrique fédérale, embourbé au milieu d’un potager bio collectif parcouru de silhouettes indéterminées et non genrées, emmitouflées de bure sombre, sous la pluie battante d’une fin d’après-midi de novembre. Il sera précisé en petit caractères que les citoyens les plus méritants – ceux qui auront dénoncé beaucoup de leurs voisins, par exemple – pourront espérer obtenir cet objet de rêve – si tant est que l’affiche les ait fait rêver – dans un délai de dix à quinze ans.

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