Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Juvenilia XCVI

Jean-Blaise Rochat
La Nation n° 1879 1er janvier 2010
Félix, dix-sept ans, aspire à un apprentissage dans une banque. il me présente, pour ultime correction, une lettre de motivation soignée qui lui a donné pas mal de fil à retordre, car ce n’est pas un foudre de guerre, ni en orthographe, ni en rédaction. Ce bel effort est pourtant entaché d’une surprenante négligence, une seule: «Je suis une personne agréable, travailleur, ponctuel, persévérant, attentif.»

– Votre lettre est engageante, mais vous auriez pu faire attention aux accords des adjectifs: «travailleuse, ponctuelle, persévérante, attentive.» Corrigez ça et bonne chance pour la suite.

Au lieu de se frapper le front et de remédier prestement à son étourderie, Félix reste quelques secondes songeur et déclare, renfrogné:

– Ça ne me plaît pas du tout de mettre ces adjectifs au féminin.

– Il s’agit bien de vos préférences! Vous devez vous plier aux règles d’usage!

– Je ne veux pas qu’on me prenne pour une fille.

– Seuls les ignorants, qui ne savent pas que “personne“ est un nom commun féminin, pourront confondre; mais soyez sans crainte, ils ne sont pas nombreux. Avez-vous déjà entendu quelqu’un dire “un personne”? Soyez raisonnable: vous n’allez pas manquer une place d’apprentissage à cause d’un caprice grammatical!

Mais il est vain d’insister: cette grammaire-là choque la morale de Félix qui refuse d’être un transsexuel sur le papier:

– Vraiment, vous ne pouvez pas m’arranger la phrase pour que les adjectifs soient au masculin?

– Ecrivez, par exemple: «Les gens qui me connaissent m’estiment agréable, travailleur, ponctuel, persévérant, attentif.»

– Parfait. Merci.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: