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Légèreté

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 1879 1er janvier 2010
Il y a un mois, quarante députés du Forum interparlementaire romand sont allés observer le fonctionnement du Parlement européen et celui de la ville de Strasbourg. A leur retour, la présidente du Forum, la députée socialiste vaudoise Fabienne Freymond-Cantone, a déclaré (24 heures du 24 octobre dernier): «Ce que j’en ai retenu, c’est que nos communes et même nos cantons sont dépassés. Il faut réfléchir en termes d’agglomérations, de régions. En Alsace, la Communauté urbaine de Strasbourg et la ville de Strasbourg ont une administration commune. Et ils gagnent un temps fou.» Le journaliste, M. Vincent Maendly, lui demande alors si la démocratie n’est pas perdante dans cette accélération des opérations. Réponse: «Sans doute et (? réd.) il est clair que nous sommes très attachés à cette démocratie. Mais elle pose problème lorsque des projets qui concernent toute une région […] peuvent être bloqués par le vote d’une seule commune.» Elle ajoute, pour calmer les scrupules démocratiques de son vis-à-vis: «Ce qu’il faudrait, c’est insuffler davantage de démocratie dans les 4e et 5e pouvoirs que sont l’intercommunalité et l’intercantonalité, en créant des Conseils régionaux comme en France par exemple.» Bien entendu, «à terme, les 1er et 2e pouvoirs, communes et cantons, devraient ensuite disparaître.» Par «davantage de démocratie», Mme Freymond-Cantone entend probablement davantage d’élections, de discours à faire, de sièges à occuper et de jetons à toucher.

Mme Freymond-Cantone veut donc remplacer les communes par l’intercommunalité. Fait-elle allusion à des fusions, à des mises en réseaux ou à d’autres notions plus «audacieuses» encore? Elle ne juge pas utile de préciser.

Elle veut aussi supprimer les Etats cantonaux, Vaud, le Valais, Genève, Fribourg, Neuchâtel, le Jura, leurs richesses propres, leurs traditions et manières de vivre, leurs histoires si diverses, leurs mentalités pour leur substituer une intercantonalité indéfinissable: on remplace des réalités séculaires par des abstractions vagues et on a le sentiment de progresser dans la maîtrise des choses.

Pourquoi ces suppressions? Pour aller plus vite, répond-elle. La vitesse est-elle vraiment un critère en matière institutionnelle? En fait, il s’agit d’éviter les difficultés que créent les communautés telles qu’elles existent. Leur lourdeur, leurs résistances, qui ne sont que l’expression de leur volonté de vivre, impatientent l’élu qui voudrait bien attacher son nom à quelque grande réforme. Les agglomérations et les régions, pense-t-elle non sans raison, résisteront moins à la dernière mode que les communes et les cantons.

Mme Freymond-Cantone fonde ses nouvelles certitudes fondamentales sur une visite de quatre jours dans une ville et un pays complètement différents des nôtres, où elle a eu l’occasion, entre deux bamboches et trois visites de musées, d’entendre un attaché de presse vanter les réussites locales dans un discours de cantine propre à épater le bourgeois provincial.

Disproportion totale entre les bouleversements institutionnels proposés et les motifs allégués, refus de considérer les dégâts prévisibles, désinvolture à l’égard des réalités communales et cantonales: au sens strict, le discours de cette députée est à la fois scandaleux et débile. On nous assure qu’elle ne l’est pas. C’est donc le régime lui-même qui parle par sa bouche. Est-ce plus rassurant?

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