Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

«Un si beau printemps», récit introspectif et rétrospectif de Michel Bühler

Vincent Hort
La Nation n° 1880 15 janvier 2010
Pour ses quarante ans de carrière, Michel Bühler a réuni le 3 décembre dernier ses amis et son public lors d’une grande fête au Théâtre de Beausobre. Il a enchaîné sous le chapiteau de Vidy avec une série de concerts au cours desquels il a repris une vingtaine de chansons tirées de son vaste répertoire. L’occasion, pour le chanteur de Sainte-Croix, de parcourir en musique et en paroles quatre décennies de poésie, d’humour, de tendresse et d’engagement politique.

Cet anniversaire coïncide avec la parution d’un récit intitulé «Un si beau printemps» dans lequel l’écrivain Michel Bühler porte un regard rétrospectif sur les quarante années qui se sont écoulées depuis ses débuts dans la carrière artistique. Il s’agit d’un retour en arrière teinté d’amertume. L’auteur pose d’emblée la question: «Que nous est-il arrivé? (…) Une révolution a eu lieu. Pas celle que nous espérions. Nous avons échoué, nous nous sommes fait baiser, profond. Par qui? Comment?».

Ce nouveau livre entend répondre à ces interrogations. Michel Bühler s’y astreint non seulement pour lui-même et ceux de sa génération, mais aussi pour la jeunesse d’aujourd’hui qui n’a partagé ni ses utopies et ni ses combats. Son livre est destiné à trois «neveux» métis, les enfants d’un couple d’amis proches.

Cet exercice d’explication est aussi pour le chanteur de Sainte-Croix le prétexte à évoquer ses heureuses années parisiennes, durant la décennie septante, et de se rappeler les tribulations de la maison de disques L’escargot, fondée par ses amis Gilles Vigneault, François Béranger et quelques autres. Il y a de la joie et de la fraîcheur dans ces moments insouciants qui tranchent avec le désenchantement que lui procure le monde actuel.

Mais voilà, aujourd’hui l’argent est devenu tout-puissant… Alors pour comprendre, en brave «Bouvard et Pécuchet de la science économique», Michel Bühler a entrepris de se documenter. Il a plongé dans les livres d’économie, d’Adam Smith à Milton Friedman en passant par John Meynard Keynes. Disons- le tout net, sa tentative de vulgarisation ne convainc pas. Malgré ses recherches bibliographiques, Michel Bühler n’a pas abandonné les lunettes de ses convictions et ses explications demeurent fortement teintées par ses certitudes initiales.

Avec un souci didactique, Michel Bühler ne craint pas de parler de «communisme», de «socialisme» et de «révolution». On sent qu’il voudrait encore y croire comme à un amour de jeunesse… C’est à contrecoeur qu’il admet que ces utopies ont signifié sous d’autres latitudes les pires tyrannies, la destruction et la mort. Il ne s’y attarde guère, préférant fustiger le Chili de Pinochet, l’Angleterre de Margaret Thatcher ou l’Amérique de Bush.

La révolution viendra-t-elle de l’écologie et de l’épuisement des ressources naturelles? Michel Bühler mentionne cette idée sans la développer. Ses préoccupations demeurent essentiellement sociales. Son combat continuera tant qu’il y aura des usines qui ferment, des clandestins qu’on exploite ou des services publics qu’on privatise.

L’égoïsme et le cynisme le révoltent. On comprend bien l’abîme qui le sépare de la génération actuelle, individualiste, consumériste et sans conscience politique. A la fin de son récit, Michel Bühler reçoit des nouvelles de ses «neveux» qu’il avait perdus de vue. L’un écrit du rap, l’autre est éducateur de rues à Lausanne. Leur «oncle» se réjouit d’y trouver le signe que la lutte continue. Soit. Cela n’en demeure pas moins un peu ténu pour qui voudrait y voir l’annonce de la révolution à venir…

Ce sentiment d’inabouti ne doit cependant pas masquer la sensibilité et la délicatesse dont fait preuve l’auteur dans le rappel de ses souvenirs ou la description des choses de la vie. «Un si beau printemps» contient des pages d’une grande force poétique lorsqu’il évoque la mémoire de son père, la dignité des ouvriers de Sainte-Croix ou l’austérité de son Jura natal endormi sous la neige. Même s’il est souvent déçu, Michel Bühler croit profondément à la fraternité entre les Hommes. Il ne se résigne pas à la résignation. C’est une qualité que nous lui reconnaissons volontiers.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: