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Fourre-tout livresque

Jacques Perrin
La Nation n° 1881 29 janvier 2010
Quand les grands médias revendiquent la «diversité» des opinions, on sourit. Il faut aller sur internet pour trouver la fameuse «pluralité»… ou se tourner vers un certain petit journal.

Le monde des livres est bien plus coloré. Il ne manque pas d’honnêtes personnes éprises de vérité, mettant en doute les a priori dans tous les domaines imaginables. Il vaut la peine d’attirer l’attention des lecteurs sur des ouvrages qui méritent le détour car ils aident à mieux comprendre le monde comme il va. En voici quelques-uns!

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L’énigme des tueurs en série, par Daniel Zagury, Plon 2008

L’auteur est psychiatre et expert près la cour d’appel de paris. Il a côtoyé les Guy Georges, Patrice Alègre, Pierre Chanal, Michel Fourniret et d’autres tueurs fous, au risque de sa propre santé mentale. Il s’agit pour lui d’éclairer le comportement des tueurs en série, sans vouloir l’expliquer totalement, encore moins l’excuser. Toutes les personnes victimes de mauvais traitements durant leur enfance ne glissent pas vers le crime, mais il faut reconnaître que les premières années des tueurs en série ont été dévastées. Leur perversion, c’est-à-dire leur volonté de toute-puissance sur autrui, leur permet de se préserver de la folie qui les guette, d’éviter leur propre effondrement. Le livre tend à montrer qu’il existe bien une nature humaine, que celle-ci a des lois de développement, que le début de la vie est délicat, que les rôles du père et de la mère sont essentiels. S’ils sont mal ou pas du tout exercés, cela peut avoir des conséquences effrayantes. Les tueurs en série révèrent leur mère même si elle a été odieuse. Les autres femmes paient pour elle. Dans chaque cas un traumatisme violent existe, parfois très précoce et dénié, où le sexe et la violence sont mêlés.

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Répertoire des délicatesses de français contemporain. Charmes et difficultés de la langue du jour, par Renaud Camus, P.O.L/ Points Seuil 2000/2009

L’écrivain Renaud Camus, dont il a déjà été question dans ces colonnes, connaît sa langue. Avec une sévérité qui frise parfois le purisme, il nous met en garde contre les erreurs, les fautes, les grossièretés grammaticales et syntaxiques, en se référant non seulement à l’usage, comme le linguiste moyen, mais aussi à des normes. Or qui dit «norme» se fait immédiatement mal voir. L’auteur est un peu réactionnaire, attaché au beau langage, attentif à la politesse et à toutes sortes de finesses morales, ce qui nous le rend sympathique. Le livre réédité récemment en livre de poche est un outil indispensable à l’amoureux du français. Face aux connaissances et aux exigences de Renaud Camus, on se sent tout petit, comme condamné à faire des fautes.

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99 mots et expressions à foutre à la poubelle, par Jean-Loup Chiflet, Points, Seuil 2009

«Y a pas de souci», «c’est que du bonheur», «buzz», «booster», «sécuriser», «Je te raconte pas»: voilà quelques-unes des expressions qui provoquent l’ire de l’auteur. On le comprend, on l’approuve. Bien qu’il soit déjà un senior, M. Chiflet va sans doute donner un signal fort aux usagers. Vous voyez ce que je veux dire. Il a raison, cet homme-là, y a pas photo!

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We are l’Europe (le projet WALE), par Jean-Charles Massera, éd. Verticales/ phase 2

En ces temps hypermodernes, on ne comprend pas toujours ce que le petit-bourgeois bohème veut exprimer. Il parle français, mais on n’aperçoit ni pensée ni réalité tangible derrière son verbiage embrumé de «valeurs». Pour s’en moquer, Jean-Charles Massera a réussi l’exploit de restituer ce charabia insensé sous forme de dialogues entrelardés de parodies, de déclarations solennelles et de fausses directives bruxelloises. Exemple: «Puis moi je trouve que dans la mondialisation y a vraiment des côtés qui sont vraiment géniaux! Par exemple le fait qu’elle soit en train d’désintégrer les cultures traditionnelles, moi ça m’rassure plutôt! C’est vrai, savoir qu’on boit du Coca partout ça dit qu’on a des choses en commun! Et que mes gamins écoutent la même musique qu’à Libreville, Tel-Aviv. Beijing ou au Caire, ou qu’ils chattent avec des gosses de leur âge qui vivent à Montevideo ou à Bombay franchement c’est difficile de rêver mieux […] La mondialisation, tout le monde la désire! Le Coca-Cola, personne ne nous force à en boire! Et puis j’suis désolée, mais la différence culturelle, les traditions tout ça jusqu’à preuve du contraire ça a jamais vraiment construit de ponts entre les peuples! C’est simple, partout où t’as des populations qui scrispent sur leur identité, ça s’termine avec l’envoi des Casques bleus![…] Schengen, c’est aussi l’abolition des frontières entre les désirs qui maintnant peuvent circuler librement! Schengen, c’est peut-être plus fort que Woodstock! Et oui bon l’abolition des frontières entre des corps qui peuvent se voir, se parler, se toucher plus facilement, ça c’est une chose, mais si on raisonne au-delà de l’espace Schengen (parsque ouais j’suis d’accord que ça craint aussi quand tu peux pas y rentrer! Mais ça va vnir, ça va vnir!), donc si on raisonne au-delà d’Schengen, mais la mondialisation, ça a ouvert des espaces super!… Dans la tête surtout! Tout d’un coup, c’est ton espace mental qui s’ouvre! Tout d’un coup tu penses Chine, tout d’un coup tu penses Inde!» Il y a même quatorze nouvelles béatitudes: «9.2: Heureux et heureuses les dépouillé (e)s du contrôle d’une partie de leur life, car ils et elles verront que l’iPhone c’est un téléphone trop bien avec vidéo, MSN, Internet et tout!»

237 pages de ce délire ne vous ennuient pas une minute. C’est un délire si courant!

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Manuel d’inculture générale, par Basile de Koch, Flammarion 2009

Dans le registre humoristique, ne manquez pas la somme du fondateur du groupe mythique Jalons. Sans le concours, cette fois-ci, de son épouse Frigide Barjot, il nous livre le catalogue du parfait frimeur. Admettons, par impossible, que vous soyez invité à l’une des émissions-phares de la RSR ou de la TSR (Forum, Infrarouge, Mise au Point, le Grand Huit, etc.). Vous ne savez que dire pour paraître «concerné», «moderne» et «ouvert au monde». Basile vous donne des trucs. Vous brillerez dans tous les domaines, de l’histoire au cinéma, en passant par la science et la politique. Il est question de la guerre d’Espagne? Facile…: «En 1936, une guerre civile éclate en Espagne, suite à un coup d’Etat de la droite contre le Front populaire local. L’Allemagne nazie et l’Italie fasciste envoient matériel et troupes au général Franco; la jeune république espagnole ne peut compter, elle, que sur quelques vieux stocks d’armes et de petites fournitures en provenance de France et surtout d’URSS. Stukas contre Lada, c’était plié d’avance!»

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