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Retour aux dettes

Jean-François Cavin
La Nation n° 2083 10 novembre 2017

Dans les quatre mois suivant son entrée en fonction, le Conseil d’Etat doit présenter un programme de législature, accompagné d’un plan financier. Ces documents orientent et cadrent l’action gouvernementale pour les cinq ans à venir. Le nouveau Conseil d’Etat a présenté ces textes au début de novembre.

Le programme lui-même apporte un tombereau de bonnes intentions, en général pas très originales, allant du soin de la cohésion sociale et de la qualité de la vie à l’attractivité du Canton et au bon fonctionnement des institutions. On note avec plaisir la volonté de renforcer la formation professionnelle (déjà en éveillant mieux l’intérêt pour les métiers dès l’école obligatoire) et celle de développer l’«éducation numérique», ainsi que l’agrandissement de la flotte de la CGN dévolue au transport public (pas aux croisières de tourisme et de loisirs); on relève un goût prononcé pour les «écosystèmes», même là où on ne pensait pas les trouver puisqu’il s’agit de développer «l’écosystème de l’innovation» économique et de renforcer «l’écosystème sportif vaudois»; pour rester dans les trucs à la mode, on favorisera la biodiversité (notamment en augmentant massivement la surface forestière «laissée à son évolution naturelle») et on lancera une «large campagne» de sensibilisation «aux valeurs démocratiques et à l’égalité des droits» (entre les sexes sans doute).

Du côté de la fiscalité, le Conseil d’Etat entend faire entrer en vigueur en 2019 déjà, sans nécessité, la baisse de l’impôt sur le bénéfice (mais pas la hausse de l’impôt des sociétés à statut spécial, pour laquelle il faut attendre la modification du droit fédéral après le rejet populaire de l’an passé), ainsi que le cortège de mesures sociales d’accompagnement constituant le «paquet RIE III». A part quoi, l’impôt sur la fortune ne devrait guère être allégé, malgré la demande fondée des organisations économiques faîtières, puisque le Conseil d’Etat se borne à envisager d’«examiner la nécessité de (le) modifier […] tout en préservant la dynamique des recettes fiscales». Voilà une formule savante pour mieux noyer le poisson.

Le plus préoccupant, c’est le plan financier. Il nous conduit à un retour prononcé à l’endettement; alors qu’il est quasi nul aujourd’hui (on s’en est assez glorifié!), il remonterait à 3 milliards à la fin de la législature. Cette perspective alarmante ne résulte pas d’une augmentation des investissements, qui devraient rester à un niveau médiocre, inférieur à 300 millions annuels (le chiffre n’est pas communiqué, car l’Etat s’obstine à amplifier la présentation de son effort en mettant dans le même sac la dépense réelle du Canton, les prêts, les garanties, les subventions fédérales). Le retour aux chiffres rouges résulte des pertes fiscales et des charges sociales du «paquet RIE III», sans compensation au début de la part de la Confédération et sans hausse simultanée de l’impôt des sociétés à statut spécial. Mais il n’y a pas que cela. En effet, après le choc de cette mesure en 2019, l’évolution reste déséquilibrée: de 2020 à 2022, le plan prévoit une croissance des dépenses nettement supérieure à celle des revenus (pourtant estimée à 2% annuellement, ce qui n’est pas pessimiste). Pour cette seconde partie de la législature, ce n’est plus l’effet de mesures déjà prises (assainissement de la Caisse de pensions, accord avec les communes sur certaines charges) qui obère le Canton, mais une politique délibérément choisie par le Conseil d’Etat.

Il serait indiqué de ne pas anticiper, par rapport au droit fédéral, les mesures du «paquet RIE III», de renoncer à certaines innovations qui tiennent plus au beau voir qu’à des besoins réels et de s’en tenir pour le reste à une augmentation de la dépense proportionnée à celle de la population.

Le Grand Conseil est appelé, non à approuver le programme, mais à en «prendre acte». On ne sait pas très bien ce que cela signifie. S’il s’agit d’un simple accusé de réception, le secrétariat du parlement pourrait s’en charger. C’est donc un peu davantage: une manière de reconnaître que le Conseil d’Etat a fait son travail. En refusant de prendre acte, le Grand Conseil manifesterait que le travail n’a pas été fait de façon convenable.

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