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Actualités  |  Mardi 27 janvier 2015

Un discours d'Al-Sissi

Mercredi passé, dans ces mêmes colonnes, M. Hani Ramadan, directeur du Centre islamique de Genève, déplorait la présence annoncée du président égyptien Al-Sissi au Forum de Davos. Celui-ci, réprimant des manifestations «avec une violence inouïe», aurait «encouragé militaires et policiers à tirer sur les foules». Et l'auteur demandait en conclusion si la venue en Suisse d'un «dictateur responsable de crimes contre son propre peuple» était admissible.

Le Centre islamique de Genève fut fondé par le père de M. Ramadan, membre de l'Association panislamiste des Frères musulmans. Tout en prônant un islam rigoureux, cette organisation a pris officiellement ses distances avec l'action violente. Mais elle entretient depuis 1948, et sous réserve de la courte parenthèse du président Morsi, lui-même Frère musulman, un conflit récurrent avec l'Etat égyptien, ce gouvernement laïc qui tantôt l'utilise et tantôt la réprime ou l'interdit. En décembre 2013, l'Association est décrétée «organisation terroriste» par le gouvernement égyptien. C'est dans cette perspective conflictuelle qu'il faut juger la diatribe de M. Ramadan.

On peut aussi écouter sur  Youtube le discours que le président Al-Sissi a tenu le 28 décembre dernier au Caire, à l'université Al-Azhar, la plus haute autorité théologique de l'islam sunnite. Concentré, pesant ses mots et sans pathos, affirmant en filigrane sa foi musulmane, le président égyptien exhorte l'assistance à distinguer la religion et l'idéologie, qu'il définit comme un «ensemble d'idées et de textes que nous avons sanctifiés au cours des siècles à un point tel que les contester est devenu très difficile.» Cette idéologie, dit-il encore, a conduit les musulmans à «être hostiles au monde entier.» Elle les aveugle:«Vous ne pouvez voir les choses avec clarté quand vous êtes enfermés (dans cette idéologie). Vous devez en sortir et regarder de l'extérieur.» Solennellement, il en appelle aux personnes présentes: «Je dis ces choses ici, à Al-Azhar, devant les leaders religieux et les érudits. Qu'Allah puisse témoigner de la vérité de vos intentions au jour du Jugement, concernant ce que je vous dis aujourd'hui.»

Il s'adresse enfin au grand imam d'Al-Azhar: «A vous qui avez des responsabilités devant Allah, le monde entier attend vos paroles parce que la nation islamique est divisée, détruite, et court à sa perte.» Il se reprend et désigne sa poitrine, «nous la portons nous-mêmes à sa perte.» Ce discours courageux manifeste un désir de stabilisation que les Occidentaux devraient accueillir avec soulagement.

Dans tous les cas, et comme sa neutralité l'exige, la Suisse doit veiller à ne pas subir l'importation des conflits politico-religieux fratricides qui déchirent le monde musulman.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 27 janvier 2015)