Un référendum artisanal contre un pouvoir mondial
FATCA, c'est une loi fiscale américaine qui soumet à l'impôt tous les ressortissants américains et toutes les sociétés américaines où qu'ils se trouvent sur le globe. La notion d'«américain» est très large, pour FATCA: le binational établi en Suisse en est un, tout comme le conjoint suisse d'un ressortissant américain n'ayant jamais mis les pieds aux USA. Des études, voire des vacances trop longues aux Etats-Unis, ou la propriété d'actions de sociétés américaines peuvent aussi faire de vous un contribuable soumis à FATCA.
FATCA contraint tous les établissements bancaires financiers du monde à jouer le rôle de percepteurs auxiliaires et à livrer les coordonnées de leurs clients «américains». Ceux qui s'y refusent sont soumis à des amendes monstrueuses, puis à des rétorsions commerciales, notamment l'exclusion du marché des capitaux américain. Les autres banques et établissements financiers ont l'interdiction d'entretenir des relations avec eux.
FATCA, c'est aussi un traité de reddition sans conditions signé par la Suisse et publié aujourd'hui. Il soustrait certes la BNS et les caisses de prévoyance au diktat de FATCA. Mais pour le reste, la Suisse passe sous le joug.
La loi suisse de mise en œuvre de FATCA prévoit que le droit américain s'appliquera directement. En d'autres termes, c'est selon le droit américain que des tribunaux suisses jugeront une entreprise américaine installée en Suisse et employant des Suisses! Certains ont évoqué la fameuse formule du Pacte fédéral: «Pas de juges étrangers en nos vallées!». Elle n'est pas tout à fait pertinente: ce sont bien des juges d'ici qui jugeront dans nos vallées, mais ils le feront selon des lois étrangères, et avec l'aval de nos autorités!
Enfin, la Suisse sera soumise automatiquement et sans contestation possible à toutes les modifications du droit américain. Ce «droit évolutif» permettra aux Etats-Unis d'étendre librement leurs tentacules.
Tout le monde voit que FATCA met notre souveraineté à mal, mais les Chambres fédérales l'ont quand même voté. Et ce n'est pas un grand parti suisse qui a lancé le référendum. Ce sont de groupes cantonaux, voire locaux, sans doute plus libres de leurs mouvements, qui ont pris cette lourde responsabilité.
Les Chambres se sont aplaties devant FATCA au nom de nos intérêts économiques et financiers. Elles ont visé le très court terme: qui peut penser que les Etats-Unis, dans leur guerre de conquête économique, vont s'arrêter en si bon chemin? C'est maintenant qu'il faut se battre.
Lueurs d'espoir? La Chine a refusé FATCA et interdit à ses banques de s'y soumettre. Le Canada exprime les plus grandes réserves. La mise en œuvre de FATCA aux Etats-Unis mêmes a été retardée. Le référendum «stop-fatca» s'inscrit dans ces réactions de souveraineté et de protection des libertés. Il relève du salut public.
(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 8 octobre 2013)