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La CGN navigue, le Canton nage

Jean-François Cavin
La Nation n° 1892 2 juillet 2010
Bonne et déprimante assemblée des actionnaires de la Compagnie générale de navigation sur le lac Léman S.A. le premier vendredi de l’été. Bonne assemblée, car elle prenait acte des résultats encourageants de l’exercice 2009, avec un nombre record de passagers et un taux de couverture des charges d’exploitation de 80%, ce qui constitue une prouesse compte tenu des multiples contraintes auxquelles la Compagnie est soumise. Bonne assemblée aussi – et peut-être surtout – car on sentait, en cette période où la CGN affronte quelques turbulences, une union morale exemplaire entre l’administration, les principaux actionnaires privés et animateurs du maintien de la flotte Belle Epoque, l’ensemble des petits actionnaires, le personnel fort dignement représenté par ses porte-parole syndicaux et les représentants des communes riveraines desservies par les bateaux.

Par contraste – c’est ce qui est déprimant – les cantons faisaient piètre figure, le Canton de Vaud particulièrement. La République et Canton de Genève n’a pas non plus de quoi pavoiser, après avoir demandé un audit aussi épuisant et coûteux qu’inutile et en s’accrochant à l’idée saugrenue d’une scission de la Société en deux personnes morales, l’une en charge du transport, l’autre vouée à la flotte historique. Mais notre Canton est le plus décevant, lui qui est la collectivité publique de référence pour la navigation lémanique.

L’Etat de Vaud temporise sur l’octroi d’un crédit destiné à la rénovation du Vevey, du Ville-de-Genève et d’une partie du chantier naval. Il semble se demander s’il s’agit d’une «charge nouvelle» au sens du droit financier vaudois, ce qui impliquerait qu’il s’assure des moyens de la couvrir; la question juridique est controversée et nous ne nous prononcerons pas ici; mais on est en droit de s’étonner qu’elle ne soit pas résolue deux ans au moins après la formulation du projet. De plus, pour trouver d’éventuelles économies compensatoires (dont la nécessité n’est pas avérée), les têtes pensantes de l’Etat n’ont rien trouvé de mieux que de rallumer la querelle entre le Canton et les communes par la perspective annoncée d’un transfert de charges… En outre, l’augmentation de l’inévitable couverture de l’excédent des charges d’exploitation reste l’objet de difficiles négociations. Enfin, le Département des infrastructures paraît acquis à l’idée saugrenue d’une scission de la Compagnie, dont un avis de deux excellents avocats vient pourtant de montrer l’ineptie; probablement que cette fantaisie technocratique n’a d’autre but que de noyer le poisson, si l’on peut dire, pour masquer l’absence d’une vraie politique.

Car il faut bien le constater: dans cette affaire, l’Etat de Vaud, et particulièrement M. Marthaler et son département, manquent singulièrement de clarté de vue et de sens de l’action. Il est à la remorque des événements. Il somnole des années durant et, lorsqu’il s’éveille un peu, c’est pour créer la pagaille à l’égard des communes. Du principal responsable de ce dossier – comme pour d’autres projets où son inertie était notoire – on peut dire, pour user d’une terminologie nautique, que c’est un corps mort.

Aux dernières nouvelles, l’Etat annonce, non pas des décisions – vous n’y songez pas! – mais une table ronde pour la fin de l’été. Pendant ce temps, les mois passent. La flotte s’appauvrit. Sans le Vevey, utilisé aussi comme bateau-école, certaines formations sont compromises. L’horaire de 2011 sera réduit. A offre diminuée, perte de passagers. On s’est engagé dans un cercle vicieux. Ose-t-on espérer que la roue tourne et que naisse une aube nouvelle?

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