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«Ecole 2010» réhabilite la voie préprofessionnelle

Cosette Benoit
La Nation n° 1906 14 janvier 2011
A l’aube de cette nouvelle année, nous éveillons une fois encore l’attention de nos lecteurs sur l’avenir de l’école vaudoise qui ne manquera pas d’animer les débats politiques durant ces prochains mois, puisque le peuple devra se prononcer sur l’initiative «Ecole 2010» et le contre-projet qui lui sera opposé: la loi sur l’enseignement obligatoire (LEO).

Parents d’élèves et enseignants, les auteurs de l’initiative «Ecole 2010» ont une connaissance concrète des problèmes du système scolaire qui leur permet de répondre avec précision aux lacunes de l’enseignement obligatoire en proposant des solutions réalistes. C’est là que réside leur force, loin du discours idéologique des prétendus experts en pédagogie.

L’année dernière, dans le même esprit pragmatique, le Centre Patronal a donné mandat à l’institut de sondage lausannois M.I.S Trend d’effectuer une étude auprès de plusieurs entreprises du Canton 1 afin de donner la parole aux maîtres d’apprentissage dans le débat scolaire. Le bilan de cette enquête 2 montre que les parents d’élèves et les enseignants ne sont pas seuls à constater les dysfonctionnements de l’école vaudoise: une grande majorité des entrepreneurs se montrent insatisfaits du niveau de connaissances de leurs jeunes apprentis. Ils dénoncent en particulier des lacunes importantes en mathématiques et en français. Les élèves de la voie secondaire à options (VSO) sont les cas les plus problématiques: 55% des entreprises interrogées jugent leurs compétences scolaires insuffisantes voire inadmissibles.

Cette étude vient confirmer l’existence d’un problème majeur que tant l’initiative que le contre-projet se proposent de résoudre. Séduits par les «solutions» qu’offre la pédagogie moderne, les auteurs du projet LEO préconisaient la suppression totale des trois filières de l’école secondaire, avant que les résultats négatifs de la première consultation ne les fassent reculer vers une version à deux voies: prégymnasiale et générale 3. En effet, pour les grands pontes de «l’égalité des chances», répartir les élèves dans des filières distinctes revient à stigmatiser ceux qui ne peuvent pas atteindre le niveau le plus élevé, les condamnant à l’abêtissement. Au lieu de proposer un système qui prenne habilement en compte les différences d’aptitudes des élèves, les experts en pédagogie se contentent de fermer les yeux sur la réalité et de rêver à un monde où tous bénéficieraient de ressources intellectuelles identiques. les auteurs du contre-projet, adhérents fervents de ces théories idéalistes, cherchent à supprimer tout ce qui pourrait sélectionner les élèves (les filières, les notes et le redoublement) de peur de les enfermer irrémédiablement dans une voie.

Cependant, nier les différences n’équivaut pas à les annuler. Faire croire aux élèves que tout leur est accessible n’est pas une solution: c’est les condamner à demeurer dans le flou face à toutes les possibilités (qui se révéleront tôt ou tard chimériques), c’est-à-dire à ne pas avancer du tout! dans une école à voie unique, les élèves dotés de moins d’aptitudes intellectuelles ne manqueront pas d’avoir le sentiment d’être des «ratés» face à leurs camarades que tout semble mener à une brillante carrière académique; ils ne pourront pas prétendre les égaler malgré ce qu’en pensent les idéologues de la pédagogie moderne. Ces derniers sont pris «la main dans le sac», prétendant mettre en valeur le potentiel de chaque élève, ils sont trahis par leurs théories qui montrent paradoxalement qu’ils considèrent que seules les formations académiques sont dignes d’intérêt. A leurs yeux, il faut que tous aient «la chance» de poursuivre un cursus universitaire. Voilà qui revient inexorablement à discréditer la voie professionnelle. les défenseurs de l’égalité semblent tout à coup inégalitaires. Une telle hypocrisie est intolérable!

Les initiateurs du projet LEO dénoncent à grands cris la «stigmatisation de la VSO». Pour justifier la suppression de cette voie, ils allèguent que les élèves qui en sont issus – qu’ils semblent considérer comme de véritables parias – n’ont pas d’avenir car les entreprises ne leur offrent pas de places d’apprentissage. C’est faux, comme le montrent les résultats du sondage M.I.S Trend. Trois quarts des entreprises interrogées engagent des apprentis de la voie secondaire à option bien qu’elles déplorent l’insuffisance de leurs connaissances scolaires. Le recrutement se fait essentiellement sur la base des stages effectués au sein de l’entreprise (60%), puis dans une moindre mesure en fonction des résultats obtenus aux tests d’aptitudes (17%) et des notes de fin de scolarité (13%). Contrairement à ce qu’affirment les auteurs du contreprojet, force est de constater que la filière suivie importe peu (2%). La conclusion s’impose: la stigmatisation de la VSO par les entreprises est un mythe. Si cette voie est stigmatisée, c’est précisément parce que les longues études sont survalorisées au détriment des apprentissages, par ceux-là même qui prétendent donner des chances égales aux élèves de s’épanouir.

Au vu des résultats de l’enquête M.I.S Trend, l’initiative «Ecole 2010» touche dans le mille et répond aux besoins des entreprises formatrices. Pour remédier à l’insuffisance de l’éducation scolaire en VSO, elle propose de renforcer l’enseignement pour préparer les élèves à un futur apprentissage en entreprise. Elle privilégie l’acquisition de connaissances solides préalables à la formation professionnelle, plutôt que de favoriser abstraitement l’épanouissement des élèves en leur offrant un divertissant programme à options. L’actuelle voie secondaire à options serait d’ailleurs rebaptisée «voie secondaire préprofessionnelle» (VSP). les initiateurs d’«Ecole 2010» ont à cœur que l’école remplisse sa mission: former les élèves sur la base d’un programme établi en fonction de leurs aptitudes, pour qu’ils soient prêts à affronter la suite de leur cursus. Selon le constat à peu près unanime des parents d’élèves, des enseignants et des responsables d’entreprises, le programme scolaire actuel de la VSO est insuffisant. L’apprentissage basé sur les activités ludiques, les loisirs et les multiples options pour développer les facultés intellectuelles des élèves n’est pas convaincant. Nous croyons que l’acquisition de connaissances solides en vue d’un apprentissage ne nuit pas à l’épanouissement de l’élève, mais y contribue au contraire, lui offrant un avenir sûr et prometteur.

Nous constatons avec joie que les entreprises du Canton jouent leur rôle et continuent à former de nombreux apprentis. Nous souhaitons que l’école vaudoise assume consciencieusement la responsabilité de préparer les élèves qui passent sur ses bancs à leur future formation, particulièrement au niveau de la VSO qui pose aujourd’hui de nombreux problèmes. C’est le but de l’initiative «Ecole 2010».


NOTES:

1 L’enquête a été menée auprès de cinq cent six entreprises formatrices vaudoises issues des cinq secteurs suivants: soins, santé, social; commerce, vente; bâtiment, construction; technique, communication; restauration, arts et nature.

2 Sophie Paschoud, «Réformer n’est pas jouer», Etudes et Enquêtes n° 41, novembre 2010, 61 pages (résultats détaillés du sondage M.I.S Trend en annexe). Vous pouvez commander cette brochure sur le site internet du Centre Patronal www.centrepatronal.ch, à la rubrique «Publications».

3 En théorie, la première voie prépare les élèves à poursuivre leurs études vers les différents certificats de maturité et la seconde les mène à continuer leur formation en vue de l’obtention d’un CFC, d’une maturité professionnelle ou commerciale, ou encore d’un certificat de connaissances générales. Pratiquement, le manque de clarté dans la distinction des deux filières et la grande perméabilité des niveaux (le passage d’une voie à l’autre est possible à la fin de chaque semestre, sans envisager de redoublement) prêtent à penser que les auteurs de la LEO se sont contentés de présenter un semblant de voies distinctes pour éviter les heurts en déguisant plus ou moins adroitement l’école à voie unique.

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