Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Un sociologue contre le désordre

Claire-Marie Lomenech
La Nation n° 1909 25 février 2011
C’est le titre percutant «Insécurité, impunité, ultraviolence: que faire?» qu’a choisi le sociologue genevois Uli Windisch pour venir s’exprimer le 16 février dans le cadre des Entretiens du mercredi. Le 13 janvier dernier, Temps Présent avait d’ailleurs choisi une thématique similaire, consacrant une émission au nouveau grand banditisme français à Genève, preuve que le public cherche à comprendre cette forme de violence somme toute assez récente, et pourquoi elle est si peu réprimée. Preuve aussi qu’il est inquiet.

Mais quand on sait que la frontière entre Genève et la France, qui compte une centaine de kilomètres (contre quatre avec le canton de Vaud), n’était gardée encore récemment que par six à sept douaniers, comment s’étonner? Qu’on ne s’y trompe cependant pas. Une plus forte présence policière, bien que souhaitable notamment par l’effet de dissuasion qu’elle produirait, n’est pas la seule solution. Alors pourquoi ne nous inspirerionsnous pas de villes comme New York ou Singapour, aujourd’hui devenues beaucoup plus sûres que par le passé, pour résoudre nos problèmes de sécurité?

Il faut commencer par reconnaître au criminel une certaine capacité de jugement, et donc de responsabilité. La théorie sociologisante qui veut qu’on attribue les causes de la criminalité uniquement à des facteurs sociaux n’est pas satisfaisante. La biologisation du criminel, qui voudrait prouver l’existence d’un «gène criminel», ne l’est pas davantage, parce que les personnes qui choisissent d’adopter un comportement condamnable par la société le font – la plupart du temps – de manière délibérée, puisque la transgression des règles leur rapportera plus que le risque encouru.

La majorité des braqueurs qui opèrent dans la région de Genève (où ont lieu trente infractions par jour) proviennent de France voisine, et particulièrement de la banlieue de Lyon. Le caractère international du problème implique nécessairement une très bonne coopération des polices des différents pays impliqués. De plus, on continue à sous-estimer largement le fait que les attaques continuelles contre les chauffeurs de bus, les contrôleurs dans les trains, les policiers ou les simples particuliers brisent la confiance collective implicite et quotidienne sans laquelle une société ne peut vivre.

M. Windisch ne croit pas que l’augmentation des caméras de surveillance suffirait. Il propose de se pencher plus attentivement sur le modèle anglo-saxon, qui va à la racine du problème et offre des solutions concrètes: rencontrer les parents dont les enfants sont en difficulté, lorsque ceux-là ne peuvent se rendre aux réunions de parents d’élèves pour des questions de langue ou d’intégration; faire en sorte que les auteurs de dégâts prennent conscience de leur faute, par exemple en rencontrant leurs victimes; les faire participer à la réparation des fautes commises en restaurant les lieux qu’ils ont saccagés, etc. Tout ceci nécessite un engagement fort de la part de chacun. C’est pour cela que, de l’avis de M. Windisch, seule une action locale sera possible et efficace pour contrer la violence.

Traditionnellement, la liberté était considérée comme un moyen au service de buts déterminés par l’intelligence. Elle est devenue un but en soi. Et la liberté comme but entraine forcément, à terme, le rejet de la notion d’ordre, y compris dans ce qu’il a de plus nécessaire pour la vie en société. Il faut être heureux qu’on rencontre aujourd’hui des sociologues qui, contre la doxa persistante, ne se gênent pas de le dire ouvertement.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: