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Féries parlementaires et délais de référendum

Félicien Monnier
La Nation n° 1909 25 février 2011
Selon 24 heures du 10 février dernier, M. Philippe Leuba envisage d’assouplir les dispositions cantonales sur le référendum. Notre ministre de l’Intérieur fait ainsi écho aux protestations du comité référendaire «Non à un impôt sur le travail». Les membres de ce dernier avaient vu en effet une manoeuvre dilatoire des autorités dans la publication d’un texte législatif dans la Feuille des Avis officiels (FAO) un 21 décembre; soit à la veille des fêtes et des vacances. Or il est bien connu qu’à Noël, la priorité de nos concitoyens n’est pas à l’action politique. Nous avions fait les mêmes remarques lors du référendum contre le principe du Cassis-de-Dijon, lancé durant les vacances d’été.

Il s’agirait pour M. Leuba de créer un mécanisme empêchant le Parlement de diminuer les chances d’aboutissement d’un référendum en profitant de certaines périodes de l’année. Plusieurs solutions sont à ce propos envisageables. Nous en avions d’ailleurs décrites quelques-unes il y a un an et demi1. Nous nous proposons de les approfondir ici.

Ces solutions peuvent être orientées de deux manières différentes. Elles peuvent être axées sur la course du délai référendaire, ou sur la date de publication de l’acte, soit le départ du délai.

Prolongation simple

Nous pourrions donc proposer, selon le premier axe, que le délai soit prolongé d’autant qu’il a été empêché. Imaginons donc un délai courant durant les vacances d’été, c’est à dire une période de trente jours allant du 15 juillet au 15 août. Nous pourrions prolonger le délai d’autant, ou d’une période un peu plus courte, déterminée selon un coefficient par exemple. En effet, si une récolte de signatures est mise en difficulté par des vacances, cela ne signifie pas pour autant qu’il soit absolument impossible de récolter des signatures durant cette période. Dans notre exemple, un délai référendaire qui débute le 14 juillet, serait d’une durée non pas de quarante jours, comme le prévoit actuellement la Constitution, mais de 70 jours. Avec un coefficient de 0,75 appliqué à la période de trente jours, le délai référendaire serait de 63 jours.

Cette première solution a l’avantage de permettre au Parlement de siéger toute l’année et de mieux répartir sa masse de travail dans le temps.

Vacances anticipatives

Une deuxième solution est envisageable. Il serait possible d’instituer des périodes durant lesquelles le Parlement ne siège pas et n’émet donc aucun acte législatif soumis au référendum. Ces périodes seraient déterminées de telle façon qu’aucun acte voté puis publié ne puisse avoir un délai courant durant une période difficile pour la récolte de signatures. Ces vacances précéderaient donc le début des trois périodes difficiles de l’année (Noël, Pâques et l’été) de 40 jours, durée du délai référendaire vaudois.

Cette deuxième solution a pour avantage de ne pas créer un système trop compliqué de calcul des délais. On sait le stress que provoque au sein d’un Comité référendaire l’idée de se tromper dans ce calcul; ainsi que la confusion que cela peut provoquer dans l’opinion. Il convient donc de faire simple sur cette question. Néanmoins, cette solution bloque le Parlement durant une période de deux mois environ. Sans compter que ces deux mois ne tombent pas sur les vacances habituelles.

Féries parlementaires

Une troisième solution enfin, cumul des deux précédentes, s’offre à nous. C’est, en bref, le système des féries judiciaires appliqué au Parlement. Il a deux conséquences principales. Durant certaines périodes, le Parlement ne siégerait pas et n’émettrait aucun acte soumis au référendum. Cela correspondrait aux vacances. De trop longues périodes d’inactivité sont donc évitées. De plus, le délai courant durant ces féries est prolongé comme exposé dans la première solution.

Il convient enfin de ne pas confondre prolongation de délai et suspension de délai – et là notre solution diffère des féries judiciaires. Imaginons seulement qu’une campagne de récolte de signatures doive être interrompue. Cela poserait des problèmes administratifs et probatoires quasiment insurmontables. Comment démontrer qu’une signature n’a pas été récoltée durant la période de suspension et que la carte n’a pas été antidatée? Quand bien même les problèmes de preuve seraient réglés, ils produiraient un inutile surcroît de travail à notre Chancellerie.

Le meilleur système est assurément celui des féries parlementaires avec prolongation de délai. Néanmoins et pour le moment, quelque soit le mécanisme proposé, nous assurons M. le ministre de l’Intérieur de notre soutien dans ses démarches.


NOTES:

1 «Pour des féries législatives», La Nation n°1873 du 9 octobre 2009.


Notre conception du référendum

L’une des premières personnes à avoir réagi à la proposition de M. Leuba est M. Benjamin Leroy-Beaulieu. Celui-ci a publié sa réflexion sur son blog. Nous ne partageons pas ses considérations. Celles-ci étant admises par une partie de l’opinion, nous les traitons ici.

Pour M. Leroy-Beaulieu, une telle modification du système référendaire ne va que contribuer à ralentir encore plus les projets cantonaux. Selon lui, «si nous voulons un canton dynamique, qui avance, facilitons un peu moins les référendums, car ils ne servent qu’à freiner des décisions prises démocratiquement».

Le pouvoir représentatif est-il uniquement la prérogative du Parlement? On peut en douter. Il s’agit simplement, avec le référendum, de donner la parole à certains corps constitués du Canton. Ceux-ci n’ont pas de véritables représentants au Grand Conseil. Pensons seulement aux milieux culturels, associatifs ou professionnels. Le Centre Patronal n’aurait jamais eu à lancer de référendum contre les «PC familles» s’il avait eu une partie du Grand Conseil à sa botte comme certains le prétendent.

Les partis, on le comprend aisément, ont intérêt à rendre le référendum plus difficile. Ils se gardent ainsi un privilège qui ne leur est en réalité pas réservé et dont ils ne devraient même pas être les destinataires premiers.

Nous ne partageons pas non plus cette idéologie qui voudrait que notre Canton «avance». Est-il peut-être attardé? De tels discours n’ont que trop souvent été accompagnés de bureaucratie inutile et de centralisme lourd. Il faut s’en méfier.

Un Parlement n’est pas le seul représentant d’un pays. Le référendum permet de concilier l’activité parlementaire avec un foisonnement d’intérêts qui échappent au Grand Conseil. Epée de Damoclès, le référendum est une saine soupape. Il pousse à la prudence, sanctionne l’électoralisme.

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