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Vers une nouvelle Constitution genevoise

Jean-François Cavin
La Nation n° 1917 17 juin 2011
Quelques aspects de l’avant-projet de révision totale

La République et canton de Genève procède à la révision totale de sa Constitution. Le principe en a été adopté par le peuple, à une forte majorité, en février 2008, la Constituante élue en octobre de la même année. Depuis lors, cinq commissions se sont partagé la matière et ont présenté des thèses dans le courant de 2010, lesquelles ont servi de base à un projet entièrement rédigé, mis en consultation au début de cette année. Le résultat de la consultation est maintenant connu; les commissions vont reprendre leur travail et le plénum se prononcera en première lecture dès septembre. La votation populaire qui mettra fin au processus est prévue pour octobre 2012.

Comme dans la Constitution vaudoise de 2003, la tendance rose-verte est perceptible, avec de nombreuses dispositions sur l’environnement, l’énergie, la mobilité, le logement. A tel point que le texte, pourtant soigneusement rédigé dans l’ensemble, tombe dans le galimatias à la mode lorsqu’il dispose que «l’Etat favorise la création de quartiers durables»… Nous n’entrerons pas dans les détails des chapitres consacrés aux tâches de l’Etat, le but de cet article étant surtout de mentionner quelques dispositions de caractère institutionnel portant sur des sujets que les Vaudois ont traités à leur manière ou s’apprêtent à traiter.

Droits politiques des étrangers

L’avant-projet s’en tient aux droits de vote et d’éligibilité en matière communale, comme à l’heure actuelle. Certains organismes consultés regrettent qu’ils ne soient pas étendus aux affaires cantonales. Il faut être domicilié en Suisse depuis huit ans pour en bénéficier.

Conseil d’Etat – Présidence permanente

Les membres du Conseil d’Etat seraient élus à la majorité absolue, et non plus à celle du tiers, pour cinq ans au lieu de quatre. Le gouvernement désignerait son président pour la durée de la législature, ce qui ne semble guère contesté dans la consultation. Le président serait d’office en charge des relations avec la Genève internationale et avec l’extérieur.

Démocratie directe – Féries

La démocratie directe est fort développée à Genève, avec notamment l’élection populaire des juges et du procureur général et avec un referendum obligatoire sur certaines matières non constitutionnelles mais politiquement sensibles (le logement par exemple). L’avant-projet, s’il en restreint un peu le champ, tend à en faciliter l’exercice en abaissant le nombre des signatures nécessaires à l’aboutissement de l’initiative ou du referendum facultatif: 10000 signatures pour l’initiative constitutionnelle (comme actuellement), 7000 pour l’initiative législative (au lieu de 10000), 5000 pour le referendum (au lieu de 7000), 1000 pour le referendum en matière de fiscalité et de logement (le referendum obligatoire étant supprimé dans ces cas).

Pour la récolte des signatures en cas de referendum, le délai de 40 jours serait suspendu par des féries, du 15 juillet au 15 août et du 23 décembre au 3 janvier. Serons-nous entendus dans notre Canton aussi bien qu’au bout du lac? Le principe de ces féries n’y est pas fortement contesté dans la consultation, sauf par le Parti radical, la Fédération des entreprises romandes et l’Union des associations patronales genevoises!

Validation des initiatives populaires

Elle reste de la compétence du Grand Conseil. Cette solution ne semble guère contestée, contrairement à ce qui se passe dans notre Canton. Précisons que l’avant-projet genevois ne prévoit pas d’instaurer une cour constitutionnelle.

Incompatibilités

Le mandat de député au Grand Conseil serait notamment incompatible avec l’exercice de toute fonction publique (aujourd’hui seulement pour les cadres supérieurs).

Surveillance de l’ordre judiciaire

Elle reste confiée à un Conseil supérieur de la magistrature de neuf membres, dont la composition serait désormais fixée dans la Constitution elle-même: trois membres désignés par le pouvoir judiciaire, deux par la Faculté de droit, deux par les avocats et deux par le Grand Conseil. Cela ne semble pas faire débat alors que les autorités politiques vaudoises hésitent à franchir ce pas.

Contrôle de l’administration et des finances

Les Vaudois s’étonnent, non sans raison, du cumul de leurs autorités de contrôle, avec le Contrôle cantonal des finances (contrôle interne) et la Cour des comptes (contrôle externe). Les Genevois feraient encore plus fort: contrôle interne dans chaque département, organe d’audit interne rattaché au Conseil d’Etat pour l’ensemble de l’administration, organes de contrôle externes indépendants désignés par le Grand Conseil pour surveiller les finances, et Cour des comptes par-dessus le marché. Celle-ci serait aussi en charge de l’évaluation des politiques publiques sous l’angle de leurs résultats et de leur efficacité.

Frein à l’endettement

Moins contraignant que le dispositif vaudois, le frein genevois se limiterait à ceci: lorsque l’endettement excède 10% du produit cantonal brut, l’adoption d’un budget déficitaire requiert une majorité des trois cinquièmes du Grand Conseil.

Districts et communes

L’avant-projet prévoit la création de quatre à huit districts, dans un délai de cinq ans, par accord entre les communes si possible, à défaut de quoi le Grand Conseil les instaurerait. on commence par se demander à quoi serviraient ces nouvelles entités territoriales dans un canton assez modeste (on parle ici de l’ampleur du territoire). on découvre la clé de l’énigme à l’avant-dernière ligne de l’avant-projet, dans la disposition finale: «Les districts exerceront toutes les compétences des communes actuelles». C’est donc une manière originale et drastique de forcer à la fusion de communes… dont l’existence est par ailleurs garantie! Cette solution brutalement astucieuse a provoqué une levée de boucliers lors de la consultation.

* * *

on verra cet automne si la Constituante amende fortement ce texte, puis si les citoyens acceptent ce qui leur sera soumis. Quoi qu’il en soit, une chose devrait demeurer. Bien que l’avant-projet affirme que «l’Etat est laïc» et doit observer la neutralité en matière religieuse, les armoiries restent surmontées du cimier représentant le soleil levant et portant le trigramme IHS en lettres grecques; et la devise, gravée à l’article 6, ne varie pas: «Post tenebras lux».

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