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La Grèce nous avertit

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1928 18 novembre 2011
La Grèce ruinée, assujettie et humiliée nous offre une leçon de politique étrangère, et quelques avertissements.

La sagesse populaire affirme qu’un Etat ne fait jamais faillite. La formule est juste en ce que, quelle que soit la situation financière, il reste toujours un territoire avec des gens dessus. Pour le reste, elle est trompeuse. Elle induit les autorités à dépenser sans jamais se préoccuper des bilans de fin d’année. Or, une gestion irresponsable des finances publiques a toujours des retombées morales et sociales. Elle engendre des comportements néfastes, abus des prestations étatiques et subordination d’esclave à l’administration, dégoût du travail, insatisfaction et revendications perpétuelles. Le territoire et les gens subsistent certes, mais rendus à la barbarie, dénaturés, aveulis. L’Etat subsiste aussi, mais impuissant, suspect, incapable de réagir aux désordres internes et aux pressions extérieures.

Une aide extérieure, même par dizaines de milliards, ne sert à rien: c’est la même administration qui gère ces milliards, et avec les mêmes méthodes qui lui ont servi à dilapider ses propres recettes fiscales. Les subventions européennes ont été et continueront d’être dispersées aux quatre vents de l’impéritie et de la démagogie. Placer un technocrate européen comme Lucas Papademos à la tête de l’Etat grec – ou Mario Monti en Italie –, chargé non de conduire le pays mais de rassurer le marché et les banquiers, ne résoudra rien. Ce sont les moeurs qu’on doit reconstruire, et cela demande un effort politique et moral durable.

Quant aux partis, ils reniflent derrière la porte, pressés de reprendre la vie d’autrefois.

Le centralisme propre à l’idéologie européenne mais aussi, reconnaissons-le, la crainte de désordres consécutifs à la carence gouvernementale ont enclenché l’engrenage de la mise sous tutelle de la Grèce. La perspective d’un sursaut référendaire qui eût peut-être empêché cette mise sous tutelle a mis sens dessus dessous le petit monde bruxellois. L’idée qu’un vote de la population grecque puisse soustraire le pays à son diktat était inimaginable, pour ne pas dire blasphématoire. Les pressions exercées sur les autorités grecques pour qu’elles y renoncent ont dû être à la hauteur du blasphème. Bonne leçon pour les Confédérés.

Durant la campagne sur l’Espace économique européen, nous affirmions que le droit de veto accordé à la Suisse serait inopérant face à la volonté de puissance de l’Union européenne. L’affaire grecque nous donne raison et met en lumière le peu de poids que l’Union européenne accorde aux institutions des Etats membres.

Les menaces qui pèsent sur l’euro, la valse de ces centaines de milliards qu’on n’a pas, l’incapacité de colmater les failles politiques et financières d’un nombre croissant de ses membres, l’importance politique démesurée des agences d’évaluation financière – capables elles aussi de bides cosmiques comme on l’a vu avec l’«erreur technique» de Standard & Poor’s retirant à la France durant quelques heures la note de solvabilité maximale qui permet d’emprunter à des taux bas –, rien ne remet en cause le processus d’unification et d’extension qu’impose à l’Union européenne la mise en oeuvre de ses propres principes. Sa seule conclusion possible, c’est qu’elle n’est pas allée assez loin dans cette mise en oeuvre. L’Union est condamnée à poursuivre son unification institutionnelle, sinon celle des peuples qui la composent. De cet Etat, non seulement les Etats ruinés, mais aussi les petits Etats et leurs particularités institutionnelles ont tout à craindre.

L’affaire grecque, c’est aussi un avertissement solennel à l’Europe. Les politiciens, technocrates et bureaucrates de l’Union sont d’abord les marionnettes d’une idéologie qui poursuit aveuglément sa route. Conquérante, jusqu’au-boutiste, belliciste s’il le faut, elle marche sur la fierté des peuples et la souveraineté des Etats à coup d’ukases et d’ultimatums. Elle marcherait tout aussi bien sur la paix. Imaginons un sursaut d’orgueil du peuple grec, voire une alliance séparatiste conclue entre les Etats de l’Europe méridionale. L’idéologie et ses féaux ne toléreraient pas plus ce Sonderbund qu’ils n’ont toléré le référendum grec. Ils l’empêcheraient par tous les moyens.

L’Union est en train de mettre en place les rouages et engrenages d’un conflit européen possible.

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