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On nous écrit à propos de l’immigration

Olivier DelacrétazOn nous écrit
La Nation n° 1973 9 août 2013

Monsieur P.-M. Vernay, président de la section vaudoise de l’Action Nationale/Démocrates Suisses a réagi à notre article «D’un ordre à l’autre» paru dans l’édition 1971 du 12 juillet.

Nous reproduisons quelques extraits de sa lettre.

[…] Écrit d’un style alerte, ce texte ne nous laisse pas moins sur notre faim, tant il passe à côté de l’essentiel.

Car de quoi s’agit-il? L’opération Strada, mise en œuvre dans notre canton dès le 1er juillet 2013 pour une période de deux ans, ne tend qu’à doter les autorités pénales (police, ministère public, tribunaux et service pénitentiaire) des moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions légales.

Rien de plus, rien de moins. Elle n’implique ni changement législatif, ni modification structurelle de l’action étatique. Constater ce simple état de choses n’aurait pas nécessité une demi-page, vous en conviendrez. […]

Regardons-y donc de plus près. Il aura échappé à votre éditorialiste que 71% des détenus en exécution de peine sont étrangers, comme l’a publié l’Office fédéral de la statistique; les naturalisés et les doubles nationaux sont comptés comme Suisse. La proportion de détenus n’ayant jamais eu que la nationalité suisse est donc largement inférieure à 29%, même si aucune statistique ne permet pour l’heure de la quantifier. Qui plus est, le crime organisé, pour ce qui est du trafic de drogue en particulier, est en mains étrangères.

De tout ceci, votre éditorial ne souffle mot. Pas plus qu’il ne mentionne l’indicible laisser-aller de la politique d’accueil des étrangers pour notre canton, dite exception vaudoise. Ni qu’il ne précise, puisqu’on l’ignore souvent, que la suroccupation des prisons est inconnue outre-Sarine.

On y perd son latin.

Car la logique aurait voulu que votre mouvement demande l’intensification et l’accélération des expulsions, le renvoi des étrangers percevant de l’aide sociale durant une période prolongée, ainsi que le renoncement immédiat et définitif à tout permis de séjour quelconque en faveur des étrangers déboutés – en d’autres termes, qu’il exige l’application des lois (l’affaires dite des «523» est dans toutes les mémoires). Sans oublier de requérir de la Confédération un renforcement des contrôles à la frontière. Bref, une opération limes.

Comme si une infraction pénale donnée posait les mêmes enjeux sociaux et politiques qu’elle soit commise par un Suisse ou par un étranger. […]

Ou alors, s’agit-il d’escamoter le thème de l’emprise étrangère, sujet sur lequel votre mouvement n’a jamais eu de positions très affirmatives, c’est le moins que l’on puisse dire? […]

P.-M. VERNAY

 

M. Vernay pousse un peu le bouchon. On ne peut pas tout dire dans chaque article. En l’occurrence, nous voulions seulement souligner que l’opération Strada n’était qu’un début et que l’ordre dans les rues ne prend tout son sens que s’il correspond à un certain ordre dans les mœurs et les institutions. Nous voulions simplement dire qu’après Strada, c’est tout un monde intérieur qu’il nous appartient de reconstituer.

Nous sommes parfaitement au courant que la Suisse a perdu la maîtrise de l’immigration. Nous dirions même qu’elle a perdu le désir de la maîtriser, ce qui, soit dit en passant, n’est pas la faute des étrangers, mais la nôtre. Notre correspondant juge qu’il suffit d’appliquer la loi, de renvoyer les tricheurs et les délinquants et d’empêcher la venue des clandestins pour retrouver cette maîtrise. Ces demandes sont fondées, mais nous ne croyons pas que cela suffise. Il faut faire respecter la loi, certes, mais il faut aussi que la loi s’inspire de principes solides. On en est loin.

Pour répondre à M. Vernay et préciser notre position, ajoutons à l’article qui a suscité son irritation quelques lignes consacrées à une opération supplémentaire intitulée Confederazione.

Dans le cadre de cette opération, les autorités fédérales rétabliraient le droit d’asile comme l’expression de la souveraineté de l’État fédéral, libre d’héberger qui il veut sur son territoire, et l’aboliraient en tant que droit subjectif offert déclamatoirement à l’ensemble des habitants de la terre. A cette fin, elles dénonceraient un certain nombre d’accords internationaux, notamment la Convention de non-refoulement, et en concluraient d’autres, notamment en matière de réadmission, avec nos principaux fournisseurs de requérants.

En attendant ce retour à un ordre institutionnel digne d’un État souverain, et pour le faciliter, on investirait tout l’argent nécessaire pour rendre des décisions exécutoires dans un délai, recours compris, de quelques mois. Supprimant ainsi des périodes d’attente interminables, on réglerait d’un coup deux problèmes fondamentaux, l’un politique, l’autre moral. D’abord, on ôterait l’une de ses «attractivités» principales à la Suisse – il est en effet rentable pour certains de déposer une demande d’asile dont ils savent qu’elle n’a aucune chance, mais qui leur permet, durant deux ou trois ans voire plus, d’exercer l’une ou l’autre coupable industrie sur notre sol ou simplement de jouir des avantages de la vie en Suisse. Ensuite, on éviterait de créer des situations inutilement pénibles, voire déchirantes pour les requérants et leurs familles: en quelques mois, on ne prend pas racine.

Dans le cadre de Confederazione, on recommencerait aussi à distinguer, en fait et en droit, la politique d’immigration du droit d’asile. L’immigration serait traitée non au cas par cas, mais comme un bloc défini par nos besoins et limité par nos capacités matérielles et morales, lesquelles peuvent être considérées comme d’ores et déjà dépassées. L’octroi de l’asile redeviendrait un acte politique libre des autorités suisses1.

Il ne suffit pas d’appliquer la loi, il faut la changer dans son fond même.

Notes:

1 L’affaire Snowden, du nom du «lanceur d’alerte» qui a demandé asile à la Suisse, met en lumière une autre absurdité résultant de la confusion entre l’asile et l’immigration. Quoi qu’on pense du personnage, Edward Snowden présente toutes les caractéristiques d’un demandeur d’asile traditionnel. Or, en vertu de la nouvelle loi et notamment du fait qu’un requérant ne peut plus déposer une demande dans une ambassade, mais seulement à la frontière, la Suisse ne pourrait, quand elle le voudrait, lui accorder l’asile. La confusion entre asile et immigration nous lie les mains.

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