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Une initiative pour la famille

Olivier Klunge
La Nation n° 2036 22 janvier 2016

Le 28 février prochain, le peuple et les cantons suisses auront à se prononcer sur une initiative prévoyant d’introduire le texte suivant dans la Constitution fédérale: «Le mariage est l’union durable et réglementée par la loi d’un homme et d’une femme. Au point de vue fiscal, le mariage constitue une communauté économique. Il ne peut pas être pénalisé par rapport à d’autres modes de vie, notamment en matière d’impôts et d’assurances sociales.» Cette initiative avait été initialement soutenue par le Conseil fédéral, mais ensuite refusée par le Parlement.

Si le but de cette initiative est de mettre un terme à la discrimination, pourtant condamnée par le Tribunal fédéral depuis 19841, des couples mariés par rapport aux concubins, la première phrase du texte proposé traite de la définition du mariage comme union monogame et hétérosexuelle. Cette manière, certes peu habile stratégiquement parlant, d’entériner dans la Haute Charte la définition occidentale traditionnelle du mariage choque les milieux à l’affût des tendances sociétales. La Nation n’en fait pas partie et elle se réjouirait plutôt de voir le souverain démocrate confirmer dans le droit positif la notion classique du mariage.

La deuxième phrase du texte constitutionnel consacre l’imposition de la famille comme un seul contribuable. Cette proposition choque les libéraux et les socialistes qui considèrent qu’entre l’Etat et l’individu, il ne doit exister aucune communauté. La Nation ne souscrit à aucune de ces idéologies, elle estime au contraire que la famille constitue la communauté de base de la société et de l’Etat. Il est juste que ce dernier reconnaisse son existence et l’encourage. Il est scandaleux qu’il décourage le mariage.

Nous arrivons à la troisième phrase du texte soumis en votation. Actuellement, du fait de la forte progressivité des barèmes d’imposition et du cumul des revenus et fortunes des membres de la famille, un couple marié, à revenus et fortunes égaux, est imposé plus fortement que des concubins2. C’est le cas en particulier pour l’impôt fédéral direct, mais c’est aussi dans une moindre mesure le cas pour les impôts cantonaux et communaux vaudois. Cette situation ne correspond à aucune logique de politique sociale, si ce n’est une réticence à tuer les vaches à lait du fisc.

La suppression de cette discrimination illégitime réduirait, selon la brochure explicative du Conseil fédéral, les recettes de la Confédération entre 1,2 et 2,3 milliards. Cette diminution de recettes pourrait être soit l’occasion de diminuer une administration étatique enflant d’année en année, soit compensée par une légère augmentation de l’imposition des célibataires et concubins. A noter que la suppression de l’impôt fédéral direct, particulièrement discriminatoire pour les familles, résoudrait la plus grande partie du problème. Voilà un excellent prétexte pour enfin abolir cet impôt.

Enfin, l’initiative entend empêcher que les couples mariés soient discriminés par l’AVS. Cette assurance sociale verse à chaque membre d’un couple une rente individuelle, mais pour un couple marié, les rentes ne peuvent dépasser le 150% d’une rente individuelle. Si ce traitement différencié des couples mariés peut se comprendre économiquement par le fait qu’une vie en commun coûte moins cher qu’une vie de célibataire, il décourage les couples qui se créent à un âge avancé de se marier. Les concubins partageant le même toit recevront deux pleines rentes de l’AVS. Cette discrimination du mariage est illogique. Dans ce domaine également, il conviendra, soit de réduire les couples concubins à une rente et demi (solution difficilement imaginable en pratique), soit de donner une double rente aux couples mariés. Ce changement aura, selon le gouvernement fédéral, un coût de deux milliards de francs, soit 5% des dépenses totales de cette institution.

La Nation est par principe méfiante lors de l’introduction d’une nouvelle disposition dans la Constitution fédérale, les politiciens et l’administration centrale usant et abusant des moindres parcelles de compétence constitutionnelle pour édicter de nouvelles lois fédérales et créer de nouveaux postes de fonctionnaires.

En l’espèce, le texte proposé traite de droit civil, des assurances sociales et de fiscalité. Les deux premiers domaines sont d’ores et déjà intégralement de compétence fédérale. En matière fiscale, l’article 129 de la Constitution fédérale donne déjà à l’Etat central la tâche de fixer les principes d’imposition en matière d’impôt direct, en particulier l’assujettissement. Ce nouvel article ne modifie donc en rien la répartition des compétences entre Confédération et les cantons.

Ce doute levé, il y a trois bonnes raisons de dire OUI à l’initiative «Pour le couple et la famille».

Notes:

1 La république des juges dénoncée par certains milieux politiques a manifestement ses limites lorsqu’elle contrevient aux intérêts fiscaux de la Confédération et des cantons. Cf notre article dans La Nation, n° 1851 – 05.12.2008.

2 Par le versement d’une contribution d’entretien du concubin à haut revenu à l’autre, un couple non marié peut aisément lisser la progressivité de l’impôt en cas de disparité de revenus. Nous n’avons pas trouvé de statistique fiable comparant l’imposition de personnes mariées par rapport à des concubins.

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