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Une ville, trois orphelins

Jacques Perrin
La Nation n° 2042 15 avril 2016

Rome, Naples, Florence: comme Stendhal, chacun de nous envisage de séjourner dans l’une de ces trois villes. Ne devrait-on pas aussi songer à Turin? Nous nous sommes rendu dans cette cité un tout petit peu vaudoise puisqu’elle recèle une partie de nos archives et fut, de 1563 à 1713, capitale des Etats de Savoie, puis première capitale du royaume d’Italie en 1861.

La ville aux quatre taureaux est vaste, majestueuse, régulière, quadrillée d’un réseau de rues parallèles, parsemée de places larges, de palais tantôt jaune pâle tantôt brun orangé, couleur de brique, et de statues géantes. Ce mardi après-midi, la tranquillité ambiante et le luxe discret ne sont troublés que par des «supporters» bavarois, le FC Bayern affrontant en soirée la Juventus de Turin au stade des Alpes. Nous nous baladons des heures au bord du Pô, visitons le musée égyptien, le deuxième du monde après celui du Caire, construit au moment où l’Italie aspirait à devenir une puissance, le musée du Risorgimento, celui du cinéma.

Dans nos bagages, nous avons emporté un livre de Frédéric Pajak1 paru en 1999 aux PUF, récemment réédité. Pajak est un dessinateur et écrivain né en France, à Suresnes, mais dont on trouve les nombreux ouvrages chez Payot au rayon littérature suisse. Le livre s’appelle L’immense Solitude (éditions Noir sur Blanc, Lausanne 2011). L’auteur, orphelin de père, y relate le destin turinois de deux autres orphelins, Frédéric Nietzsche et Cesare Pavese.

Le premier a sombré dans la folie en août 1889, dans cette ville qu’il apprécia fort, sauf en été, où il préféra Sils Maria. Sur la façade du numéro 6 de la via Carlo Alberto, on trouve une plaque commémorant le séjour du philosophe dans la capitale piémontaise. Son ami Franz Overbeck vint le chercher et le ramena en Allemagne où Nietzsche vécut encore onze ans, veillé d’abord par sa mère, puis par son inquiétante sœur, Elisabeth Förster.

Le second, poète (Travailler fatigue; la Mort viendra et elle aura tes yeux, Poésie Gallimard 1979), également auteur de confessions intitulées Le Métier de vivre (Folio Gallimard), se suicida à l’Albergo Roma, en août 1950, cinquante ans après la mort du penseur allemand, à deux jours près.

L’ouvrage de Pajak, fort recommandable, comptant plus de trois cents pages, où le texte s’intercale entre les dessins de l’auteur, dégage une tonalité triste, sans être plaintive, qui convient à la mélancolie de Turin en février.

Notes:

1 Candidat au Prix des lecteurs de la ville de Lausanne 2016.

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