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Vienne 1900

Jean-François Cavin
La Nation n° 2153 17 juillet 2020

On part toujours pour Vienne avec bonheur, même quand c’est dans le disgracieux parallélépipède rectangle de la Plateforme 10. C’est en effet là que le Musée cantonal des beaux-arts présente, jusqu’au 23 août, une exposition intitulée A fleur de peau. Vienne 1910, de Klimt à Schiele et Kokoschka. On y contemple des peintures, des dessins et – bonne idée! – des témoignages des arts appliqués (mobilier, vaisselle) dont le renouveau alla de pair avec celui des arts majeurs au tournant du siècle.

Période captivante où la double monarchie des Habsbourg, frappée par des drames, s’essouffle en peinant à trouver le moyen d’unir ses peuples, où le romantisme musical qui a jeté ses derniers feux explore de nouvelles voies aux limites de la tonalité avec Mahler et le jeune Schönberg et où les débuts de la psychanalyse freudienne troublent les esprits. C’est dans ce climat fébrile, un peu déliquescent mais riche d’idées et de résonances inédites que, du côté des arts plastiques, naît la Sécession viennoise, dont les principaux acteurs sont bien représentés à l’actuelle exposition.

Qu’est-ce que cette Sécession viennoise (dont l’apparition suit de peu celle d’un mouvement semblablement nommé en Allemagne), durablement symbolisée à la Karlsplatz par son bizarre palais qui, à défaut de beauté architecturale, offre un précieux témoignage historique? On l’a rapprochée du Jugendstil et de l’Art nouveau, et c’est partiellement judicieux, certains des créateurs affectionnant aussi cette élégance décorative et ce graphisme floral qui était au goût du jour en divers points d’Europe.

Mais cela ne rend pas compte de la grande diversité des œuvres produites par les artistes liés à ce mouvement. L’œuvre qui domine l’exposition de Lausanne, Goldfische de Klimt, toute en fluidité sensuelle, en teintes délicates et surprenantes, avec en premier plan un des plus beaux fessiers féminins de l’histoire de l’art, est certes typique de la tendance voluptueuse – et un peu vénéneuse – qui inspire un partie du groupe. Mais cette harmonie quasi surréaliste n’a rien à voir avec les personnages anguleux, parfois hallucinés, de Schiele, avec la brutalité de Koloman Moser, avec la vigueur colorée de Kokoschka.

Les organisateurs de l’exposition tentent de trouver un dénominateur commun en évoquant la peau, d’une blancheur virginale dans certaines œuvres, derrière laquelle le squelette affleure dans d’autres, ou encore dont émane le rayonnement d’un halo. Il nous semble que c’est un effort intellectuel désespéré de donner une unité à ce qui n’en a pas. Il se pourrait que le point commun des artistes de la Sécession soit seulement… de faire sécession, chacun rejetant à sa manière le style impérial-bourgeois de la Vienne du XIXe siècle.

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