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Delenda Helvetia

Jonathan Moratal
La Nation n° 2156 28 août 2020

«Connais l’histoire pour ne pas refaire les erreurs du passé», nous enseigne la sagesse populaire. Face à certains arguments des opposants aux nouveaux avions, un épisode tout particulier de l’histoire antique s’est rappelé à notre mémoire. Il nous renvoie au plus fort des guerres puniques, ces conflits qui opposèrent aux IIIe et IIe siècles av. J.-C. deux civilisations: Rome et Carthage

Les Mamertins étaient des mercenaires originaires de Campanie. En 289 av. J.-C., après la mort du roi de Syracuse, les Mamertins prennent la ville de Messine, en Sicile. Pour se prémunir d’une contre-attaque de la ville de Syracuse, ils font appel aux Carthaginois. Ces derniers acceptent de venir leur prêter main forte et envoient des troupes à Messine. Les Mamertins se tournent alors vers les Romains pour leur demander de l’aide, car les Carthaginois occupent la partie occidentale de la Sicile depuis le Ve siècle av. J.-C. Rome accepte et envoie des troupes. La première guerre punique éclate.

Les armées qui vont s’affronter sont très différentes, ce qui aura un impact majeur sur l’avenir. A cette époque à Rome, l’économie est basée sur les petites propriétés. Le recrutement militaire prend appui sur ces dernières. Etre incorporé dans l’armée romaine, c’est être en mesure de payer son équipement. C’est aussi se battre pour ses biens, sa terre. Les Romains pensaient, probablement à juste titre, que les soldats se battraient plus ardemment si cela avait un sens concret pour eux. Les orientations de Carthage sont aux antipodes des conceptions romaines. Une partie non négligeable de son armée est formée de mercenaires. Les Carthaginois en feront notamment les frais entre 241 et 238 av. J.-C. lors de la «Guerre des Mercenaires» qui survient suite à une diminution des rentrées d’argent. Le tribut que Carthage devait à Rome après la défaite de Sicile pesait lourdement sur les ses finances, l’empêchant de payer suffisamment ses troupes. Cette même tendance se perpétuera tout au long des guerres puniques, les défaites carthaginoises entraînant des sanctions financières et territoriales. Cela contribuera à diminuer les effectifs des armées carthaginoises. On a ici un exemple montrant combien des structures militaires issues de choix politiques, économiques ou même philosophiques différents peuvent avoir des impacts concrets lors de périodes de conflit.

Un parallèle peut être tiré entre ces épisodes de l’histoire antique et la votation du 27 septembre prochain sur les avions de combat.

Plusieurs opposants mettent en avant le fait que, vu la position géographique de la Suisse, il serait plus profitable de faire appel aux forces aériennes des pays voisins que d’investir dans un renouvellement de notre flotte aérienne militaire. Relevons d’abord l’inanité d’un tel argument. Faire appel à une force armée étrangère coûterait probablement très cher. En outre, le droit international exige explicitement de la Suisse qu’elle s’occupe de sa propre défense. Cette dernière est d’ailleurs la raison d’être historique et politique de la Confédération.

Osons, ensuite, établir un parallèle entre les causes des déboires carthaginois et la vision des opposants aux nouveaux avions de combat. L’armée suisse a une approche similaire à celle de l’armée romaine: toutes deux se basent sur l’engagement de citoyens-soldats ayant quelque chose à défendre ou à perdre. Il s’agit d’un choix profond qui dicte notre façon d’appréhender le monde et ses menaces. La position des opposants revient à nier cela. L’histoire nous l’a appris, payer des étrangers pour assurer sa défense est un pari risqué.

Et si la question posée à la population le 27 septembre allait au-delà de l’acquisition de nouveaux avions, mais était celle de savoir si les Suisses veulent subir le sort de Carthage: être, selon la formule catonienne, détruite.

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