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Cocher toutes les cases

Jacques Perrin
La Nation n° 2157 11 septembre 2020

L’expression à la mode cocher toutes les cases indique qu’une personne atteint la perfection dans un domaine quelconque.

Selon nos chers médias, en matière de bêtise et de méchanceté, Bolsonaro et Trump cochent toutes les cases. S’agissant d’intelligence, d’ouverture et de bonté, la chancelière Angela Merkel et Jacinda Ardern, Premier ministre de la Nouvelle-Zélande, cochent toutes les cases.

Les journaux télévisés de la RTS cochent en général toutes les cases quant à la correction politique et morale.

Ainsi celui du 3 septembre à 12h45.

Il y est d’abord question d’obésité. Durant le confinement, les Romands, privés d’activités physiques, ont pris du poids devant leurs écrans. Ils se sont gavés de chocolat, de glaces et de boissons sucrées, activant un programme de récompense pour avoir supporté vaillamment le coronavirus. Les enfants ont pris entre 1 et 9 kg pendant la crise, notamment les malheureux issus des populations défavorisées. Ça m’interpelle beaucoup, nous dit la blonde (et pimpante) doctoresse Nathalie Farpour-Lambert, grande-prêtresse de la TV quand il est question d’obésité.

Les jeunes grévistes du climat remontent au front. Les Cantons de Vaud, Genève, Neuchâtel et Jura, en accord sur le fond avec les enfants, ne puniront pas les absences. Le Valais et Fribourg, où l’école signifie encore quelque chose, ne seront pas cools: ils ne laisseront rien passer. Un jeune déclare: De toute façon on n’a pas d’avenir… A quoi ça sert d’étudier ? Il vaut mieux défendre le monde tant qu’il existe encore…

C’est la rentrée. Il paraît que les élèves auront beaucoup à rattraper après les trois mois d’interruption dus au corona et aux vacances. Pourtant on nous a répété sur les antennes que l’enseignement distanciel avait fonctionné super bien, à quelques exceptions près, grâce au magnifique travail des enseignants, de l’administration et de Zoom.

Les villes jumelées de Winterthour et La Chaux-de-Fonds, régions pas sexy au départ, subventionnent les visites réciproques de leurs citoyens pour aider le tourisme indigène.

C’est une certitude: les Russes ont empoisonné l’opposant Navalny au Novitchok. On se croirait revenu aux temps les plus sombres de la Guerre froide.

Une Verte de Montreux parle des «exigences» de son parti en dessinant des guillemets dans l’air.

A Lausanne, la magie a opéré durant le concours de saut à la perche au Flon. Ouf! Un moment magique est toujours le bienvenu.

Pour finir, deux présentatrices enamourées accueillent une écrivaine française, Fatima Daas, maîtrisant comme personne le cochage de cases.

L’autrice est jeune. A vingt-quatre ans, elle a obtenu un master en création littéraire. Son roman est jugé fulgurant. Virginie Despentes, écrivaine lesbo-féministe admirée de la camarilla littéraire, dont les professeurs lausannois font étudier en classe le King Kong Théorie, le recommande.

Fatima, en débardeur blanc, avoue avoir écrit une autofiction, bien qu’elle n’aime pas les étiquettes. Elle est musulmane, croyante et pratiquante, lesbienne, issue des quartiers populaires, féministe intersectionnelle. Son roman, c’est un texte qu’elle a vomi, il y avait urgence à écrire ça. Elle aime Marguerite Duras et Christine Angot. Elle se cherche. Elle veut creuser la complexité des identités. Elle a envie de poser des mots sur ce qu’elle est. Je suis plurielle, dit-elle, il faut qu’on parle de comment mon roman s’est construit». Celui-ci contient, selon une commentatrice, des synecdoques, des anaphores et des oxymores (on ne fait pas un master en création littéraire pour rien…).

L’important, c’est pas de choisir, c’est d’être.

Fatima a été invitée à Morges, au Livre sur les quais. On pouvait la rencontrer sur réservation, covid oblige.

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