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Une initiative aux relents antispécistes

Jean-François Pasche
La Nation n° 2192 14 janvier 2022

En février, nous voterons entre autres sur une initiative populaire qui demande l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine1. Le texte vise en particulier la recherche médicale et pharmaceutique. Elle veut principalement ajouter un nouvel alinéa à l’article 80 de la Constitution sur la protection des animaux, qui commence par une formule de prime abord sans contredit: «L’expérimentation animale et l’expérimentation humaine sont interdites», est-il dit. Un peu plus loin, on lit que les nouvelles mesures «s’appliquent de façon analogue à l’expérimentation animale et à l’expérimentation humaine».

En premier lieu, nous pourrions digresser sur le caractère inévitable de l’expérimentation humaine et animale dans le domaine de la recherche de nouveaux traitements médicaux. Il est inévitable qu’à un moment donné on utilise pour la première fois un nouveau traitement en condition réelle, c’est-à-dire sur un patient. Or cette première utilisation, pour employer la terminologie de l’initiative, est partie intégrante du développement d’un nouveau produit. C’est une étape à considérer comme de l’expérimentation, car on ne peut pas connaître exactement les effets d’une nouveauté sur l’environnement auquel elle est destinée avant de l’y avoir effectivement soumise. Cette étape peut se révéler une réussite, mais bien souvent elle met en évidence des problèmes insoupçonnés, ou du moins des ajustements nécessaires. Il en va ainsi en raison de l’imperfection des choses.

Pour compenser cette interdiction, les initiants demandent que de plus larges investissements soient consentis dans des «approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès». Si des moyens peuvent certainement encore être trouvés pour réduire les phases de test en condition réelle, nous pensons qu’il est illusoire que l’on puisse s’en passer complètement. On a beau prendre toutes les précautions du monde, il y aura toujours une probabilité qu’un imprévu survienne lors d’une «première utilisation» d’un nouveau produit. Sera-ce alors considéré comme condamnable?

De plus, cette initiative voudrait inscrire l’interdiction d’importer en Suisse des nouveaux médicaments qui seraient développés grâce à l’expérimentation animale. En plus d’empêcher la recherche, elle priverait les Suisses de nouveaux traitements découverts ailleurs.

Toutefois, le principal problème est ailleurs. En effet, le texte de l’initiative établit une sorte d’égalité entre les êtres humains et les animaux qui n’est pas acceptable. Le Conseil fédéral, dans son message sur l’initiative, relève d’ailleurs que «régler des aspects particuliers de la recherche sur l’être humain sous le titre “ Protection des animaux ” a pour conséquence une mise sur un pied d’égalité de l’être humain et de l’animal non seulement inhabituelle, mais contraire à la systématique de la Constitution»2. L’animal n’est pas l’égal de l’homme, et il est souhaitable que l’on recoure à l’expérimentation animale pour éviter le plus longtemps possible qu’un être humain pâtisse d’une erreur de recherche et de développement. Cela ne veut pas dire que l’on puisse faire n’importe quoi avec les animaux, et le droit suisse punit justement leur maltraitance, également dans le cadre de la recherche.

L’introduction dans la Constitution d’une idée d’égalité entre l’homme et l’animal est inacceptable. Nous voterons NON à l’initiative d’interdiction de l’expérimentation animale et humaine.

Notes:

1    Initiative populaire «Oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine – Oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès».

2    Message concernant l’initiative populaire «Oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine – Oui aux approches de recherche qui favorisent la sécurité et le progrès», Feuille Fédérale, 13 décembre 2019.

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