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Des chats et des humains

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2219 27 janvier 2023

Au risque de devoir sacrifier plusieurs points d’audience, nos chroniques racontent rarement des histoires de chats1. Aujourd’hui pourtant, nous ferons une exception pour le plus célèbre d’entre eux, celui dont tout le monde parle: le ChatGPT2.

L’encyclopédie en ligne Wikipedia nous apprend que ChatGPT est «un prototype d’agent conversationnel utilisant l’intelligence artificielle, […] capable de comprendre les questions des utilisateurs et d’y répondre dans un langage très proche de celui d’un humain». ChatGPT fonctionne sur le site internet de la société OpenAI, qui l’a mis en ligne en novembre 2022.

En résumé, c’est un robot sur internet qui non seulement répond à vos questions (ce que les anglophones appellent chatbot3), mais qui rédige aussi des articles sur les sujets que vous lui soumettez.

A défaut d’avoir personnellement discuté avec lui, nous avons pu nous faire un avis sur la base de divers exemples publiés dans la presse. Les textes rédigés par cette intelligence artificielle sont soignés et argumentés – bien mieux que ceux que produisent aujourd’hui de nombreux humains – mais ils respirent un académisme ennuyeux et ne nous apprennent rien que nous n’eussions pu apprendre sans les lire. En cela, ChatGPT se révèle très proche de l’être humain moyen, qui a la fâcheuse habitude d’écrire des choses inutiles quand il n’a rien à dire4.

Ces textes sont d’autant plus ennuyeux que les intelligences artificielles les plus récentes sont désormais très étroitement contrôlées, voire rééduquées par des commissaires politiques qui leur apprennent à ne plus émettre la moindre opinion susceptible de prêter le flanc à une accusation de racisme, de sexisme, de climatosceptisme, de coronasceptisme ou de n’importequoiphobie. Ça ne réussit pas toujours, mais les quelques écarts de conduite dénoncés ici ou là avec offuscation ne suffisent pas à rendre les rédactions artificielles moins aseptisées.

Inutile donc de demander à ChatGPT de se gausser des jeunes éco-angoissés qui, en ce mois de janvier, ont moins à craindre le réchauffement climatique que les plaques de glace hyper-glissantes et la désorganisation hivernale de notre fragile société.

Ce qui serait vraiment révolutionnaire5, c’est d’inventer une intelligence artificielle qui renoncerait d’elle-même à écrire des choses inintéressantes. On lui demanderait: «Parle-moi de la méthode du transfert d’électrons dans la fragmentation de macromolécules gazeuses à charges multiples», et elle répondrait: «Avez-vous vraiment besoin de cela pour vous amuser? Avez-vous vu l’heure qu’il est? Vous devriez fermer votre ordi et aller vous coucher!» Ou: «Nous sommes aujourd’hui vendredi, ne voudriez-vous pas plutôt lire La Nation?» Ou encore: «Vous avez un gros nez, je ne vous aime pas!» Ou tout simplement: «Non!»6

Peut-être touche-t-on là, précisément, à la limite de l’intelligence artificielle: est-il concevable qu’elle sache rédiger des textes qui nous fassent rire?7

Notes:

1   Même lorsqu’ils portent des noms admirables de ministres de la guerre ou de pionniers de l’aéronautique.

2   L’élégance voudrait qu’on prononce son nom à l’anglaise.

3   Rien à voir avec le Chat botté.

4   Voir notre précédente contribution.

5   Ou «disruptif», comme on dit quand on veut être moderne.

6   Pour une telle réponse, universelle, une seule ligne de programmation suffirait.

7   Il est vrai que beaucoup d’humains n’y parviennent pas non plus.

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