Recours contre le gymnase en quatre ans
Le sujet apparaît de plus en plus fréquemment dans ces colonnes; c’est que le projet lancé en 2012 par la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) et le Département fédéral de l’intérieur (DFI) touche au but. Les instruments législatifs portant le gymnase à quatre ans ont été adoptés à la fin du mois de juin.
Les démarches politiques entreprises par les cantons de Neuchâtel et du Jura ne semblant pas avoir porté leurs fruits, la Ligue vaudoise a saisi le Tribunal fédéral. La prolongation des études gymnasiales repose sur deux bases: l’Ordonnance fédérale sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale (ORM) et le Règlement de la CDIP sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale (RRM). C’est ce dernier qui fait l’objet du recours déposé, les normes de droit fédéral ne pouvant pas être attaquées directement devant le Tribunal fédéral.
Il nous faut relever que le RRM et l’ORM ont le même contenu et ont été adoptés en même temps, en conséquence d’une convention passée entre la Confédération et la CDIP. Cela pourrait être le premier grief: l’instruction publique est du ressort des cantons (art. 62 al. 1 Cst. féd.). En abusant de sa compétence de gestion des écoles polytechniques fédérales et de réglementation de la formation des professionnels de la médecine pour fixer la durée des études gymnasiales, la Confédération viole la souveraineté des cantons (art. 3 Cst. féd.). En prétendant fixer cette durée lui-même par voie d’ordonnance plutôt que de passer par l’Assemblée fédérale, le Conseil fédéral viole la réserve de la loi, l’une des facettes du principe de légalité (art. 5 al. 1 et 164 Cst. féd.). Mais comme nous l’avons vu, l’ordonnance ne peut être attaquée directement et ce grief ne pourra être soulevé que contre une décision d’application. Revenons-en au règlement.
Il ne s’agit pas à proprement parler d’une convention intercantonale, mais d’une norme secondaire édictée par la CDIP sur la base d’un accord intercantonal de 1993 sur la reconnaissance des diplômes, lequel prévoit une délégation par les cantons d’une partie de leur compétence législative en faveur de la CDIP. La question de la réserve de la loi intervient ici à nouveau: les dispositions fondamentales ou particulièrement importantes échappent à la délégation législative et doivent faire l’objet d’une loi au sens formel. La durée des études, en ce qu’elle touche l’autodétermination de dizaines de milliers d’élèves, la liberté économique des parents qui les entretiennent, le tissu économique du Pays, et les dépenses de l’Etat, réunit au-delà de tout doute raisonnable les qualités de «fondamental» et «important», et doit dès lors faire l’objet d’une loi au sens formel. Il se trouve en outre que le Tribunal fédéral a reconnu en 1999 que les normes secondaires intercantonales ne pouvaient jamais être des lois au sens formel.
La conclusion est élémentaire: le règlement, ou a minima son article 7 fixant la durée du gymnase à quatre ans, est contraire au droit supérieur et doit être annulé.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Droit de vote des étrangers 2/2: l'initiative – Editorial, Félicien Monnier
- L’Ukraine en onze dates – Jean-François Cavin
- Des linguistes indécrottables – Jean-Blaise Rochat
- Une formidable machine à imiter – Olivier Delacrétaz
- EMS: Les conséquences d’une étatisation abusive – Jean-Hugues Busslinger
- Le mur – Jacques Perrin
- Un centenaire pour l’école de Lausanne – Benjamin Ansermet
- Jeux de nains, jeux de vilains – Le Ronchon