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Une commune en évolution

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1799 8 décembre 2006
En 2003, M. Francis Michon, ancien député, ancien syndic, publiait un ouvrage de 165 pages intitulé «L’urbanisation d’Epalinges 1950-2000». Il y décrivait la transformation rapide d’un village de huit cents habitants, composé de plusieurs hameaux distincts et séparé de Lausanne par de vastes zones vertes, en une cité périphérique de plus de sept mille âmes.

Précis et mesuré, peu porté à la langue de bois ou aux effusions sentimentales, l’auteur s’est volontairement limité aux faits, et surtout à l’enchaînement des faits. Là est l’essentiel.

Ce qui fonctionne a toujours l’air d’aller de soi et on a tendance à sous-estimer les efforts qu’il a fallu consentir et qu’il faut continuer de consentir pour que, justement, ça fonctionne. L’une des forces de l’ouvrage de M. Michon est de nous replacer à chaque étape devant les grandes décisions qu’il fallait prendre, souvent dans l’incertitude et quelquefois dans le doute. On parle aujourd’hui volontiers des «visionnaires» dont la politique a besoin. Il s’agit en général de personnes qui s’efforcent de transformer en doctrine officielle les produits de leur cerveau surchauffé (voir les dernières élucubrations agricoles d’Avenir suisse). A défaut de ces inutiles personnages, Epalinges a généralement bénéficié d’autorités qui sentaient assez bien les choses, percevaient leur évolution vraisemblable et vouaient leurs efforts à la maîtriser.

En 1945 et en 1950, Epalinges a refusé des propositions lausannoises de fusion. Il y fallait du courage car c’était une commune pauvre et la fusion eût apporté des avantages financiers à une bonne partie de la population.Mais à l’époque déjà, certains entrevoyaient l’intérêt qu’il y avait pour la commune à disposer de nombreux et magnifiques terrains à proximité d’une capitale qui promettait de s’engorger. Ces terrains offraient à des contribuables travaillant à Lausanne une situation domiciliaire idéale, et à Epalinges, des revenus importants. Ces revenus firent d’Epalinges une commune aisée et permirent à ses autorités de conduire une politique de modernisation des routes, des équipements et des bâtiments largement autofinancée.

La plupart des syndics palinzards ont accompli des mandats longs. Le syndic actuel, M. Yvan Tardy, entré en fonction en 1994, ne fait pas exception à la règle. C’est un grand avantage. Le seul fait que l’autorité dure donne un certain style à la politique locale; les projets ont le temps d’être conduits à terme; on sait qui sont les responsables; on connaît leurs faiblesses et l’on peut, parfois, y obvier.

Les autorités donnèrent toujours une place importante à l’affirmation locale: création d’un Journal d’Epalinges, concours de toutes sortes, spectacles, acquisition de vignes. Ce qui pouvait passer pour une agitation folklorique sans lendemain ou du gaspillage pour un vain prestige fut aussi un moyen de préserver l’autonomie de la commune, qui conserva son identité plutôt que de se transformer en un simple quartier périphérique de Lausanne.

Epalinges a gardé son centre d’autrefois, ou, plus exactement, l’a fait évoluer autour de l’Auberge de la Croix Blanche. Celle-ci, transformée en bâtiment administratif, fut flanquée d’une grande salle de spectacles et d’une nouvelle auberge. Puis ce groupe de maisons fut lui-même intégré dans un ensemble plus grand, bordant une vaste cour de grands magasins, de bâtiments de service et de logements.

Suivant le fil des années, Francis Michon décrit l’équipement des nouveaux terrains, lamécanisation du déneigement et du ramassage des ordures ménagères, le développement de l’administration, la professionnalisation de ces mille et une besognes qui sont assumées bénévolement dans les petites communes et qui ne pouvaient plus l’être à Epalinges.

Les titres des parties de l’ouvrage sont clairs: le démarrage (1950-1964); l’envol (1965-1981); une évolution soutenue (1982-1989); la consolidation (1990- 2000). Il n’est pas question de reprendre la masse énorme des problèmes de toutes sortes identifiés et traités au cours des ces cinquante ans. La leçon importante qui s’en dégage est que chaque décision libre entraîne des conséquences, pas toujours prévisibles, qui demanderont à leur tour de nouvelles décisions. On équipe des terrains, on les vend. Cela appelle des routes goudronnées, puis pourvues de trottoirs, déneigées, entretenues. Les nouvelles familles paient des impôts, très bien, mais elles ont des enfants, ce qui impose la construction de bâtiments scolaires. Le besoin de fonctionnaires s’accroît, ce qui conduit, dans un premier temps à la dissémination de l’administration dans de multiples annexes, puis son regroupement dans de nouveaux locaux. Et il en va de même dans tous les domaines où la commune joue un rôle principal ou secondaire. Et chacun de ces domaines tend à évoluer pour son compte. Or, comme la commune forme un tout, chaque modification particulière porte tôt ou tard effet sur l’ensemble. Il appartient à l’autorité de réorienter constamment les efforts particuliers dans la perspective de l’unité du tout.

Quand le quartier du sud, les Tuileries, se développa, avec une population entièrement nouvelle et orientée sur Lausanne, il y fallut un effort non seulement urbanistique, mais psychologique pour les intégrer.

L’évolution d’Epalinges est intéressante en ce sens qu’elle a énormément changé tout en conservant une unité, et une existence réellement distincte de Lausanne. Toute municipalité qui prévoit d’apporter d’importants changements dans sa commune, de lui ajouter un quartier de maisons neuves, d’y créer une zone industrielle, de la faire entrer dans une «association de communes à buts multiples», de la fusionner avec ses voisines, de résoudre des problèmes de coexistence avec une commune beaucoup plus grande, trouvera dans cet ouvrage de quoi alimenter sa réflexion (1).


NOTES:

1) On peut le commander au Greffe, Maison communale, 1066 Epalinges.

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  • † Marianne Morel (1911-2006) – Olivier Delacrétaz
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