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Du congélateur à l’incinérateur

Cédric Cossy
La Nation n° 1970 28 juin 2013

Le conseiller fédéral Alain Berset a présenté le 7 juin dernier un projet de réforme de la réglementation régissant la fécondation in vitro (FIV). Survenue en pleine tempête bancaire, l’annonce de cette réforme a passé inaperçue et il convient de revenir sur les deux nouveautés principales du projet.

A ce jour, environ six mille couples ont annuellement recours à la FIV en Suisse, ce qui conduit à la venue au monde d’un peu plus de deux mille bébés-éprouvettes. Selon la loi actuelle, les médecins agréés sont tenus de limiter à trois le nombre d’embryons préparés in vitro et de les implanter immédiatement, sans possibilité de conservation par congélation. Ceci conduit à une probabilité accrue d’obtenir des naissances multiples par FIV… et à la nécessité, pour le spécialiste, de recommencer l’entier du travail de génération d’embryons en cas d’échec de la première nidification.

La première modification présentée par M. Berset prévoit la possibilité de n’implanter qu’un embryon, ses frères pouvant être conservés par congélation pour usage ultérieur en cas d’échec de la première implantation.

Parmi les couples candidats à la FIV, certains – on parle de cinquante à cent cas par an – présentent des prédispositions génétiques propres à transmettre une maladie héréditaire «d’une gravité toute particulière» à leur futur enfant. Selon la seconde modification proposée, les couples concernés pourraient désormais demander un diagnostic génétique préimplantatoire (DPI) des embryons préparés afin de détecter d’éventuelles tares. Dans ce cas, le médecin aurait la possibilité de développer jusqu’à huit embryons, de sélectionner après DPI ceux d’entre eux qui sont sains, d’en implanter un et de congeler les surnuméraires.

Interrogé par plusieurs médias, le Dr Marc Germond, directeur du centre de procréation médicalement assistée de Lausanne, salue l’avancée que constituerait cette nouvelle réglementation: «Avec la possibilité de développer les embryons in vitro, on pourra choisir ceux qui ont le plus de chances de s’implanter dans l’utérus puis congeler les autres.» Le médecin parle cependant de demi-mesure au sujet de l’augmentation à huit du nombre d’embryons préparables pour un DPI, ce nombre n’ayant «aucun fondement scientifique», puisque une ovulation multiple préalable à une fécondation in vitro peut produire jusqu’à quinze ovules fécondable.

Nous pouvons comprendre l’argumentation de M. Germond sans l’approuver: celui-ci considère apparemment l’embryon de quelques cellules comme une étape technique désincarnée d’un processus visant à donner un enfant à tout couple qui le désire. Ces derniers viennent d’ailleurs le consulter pour ça. Dans cette perspective, pourquoi limiter les chances de réussite en n’acceptant que trois ou huit embryons alors qu’on pourrait en préparer plus? Si l’on ne fait pas de cas des embryons surnuméraires, qui passeront du congélateur à l’incinérateur après dix ans de conservation, cette limitation est effectivement une demi-mesure.

Le Dr Germond, tout comme M. Berset et ses services, ne semblent pas s’intéresser à l’essence du «matériel» mis en jeu: à partir de combien de divisions cellulaires un ovule fécondé acquiert-t-il son essence humaine, fort qu’il est de toutes les potentialités de développement vers un être complet? La réponse n’est pas évidente et appelle dès lors un maximum de précautions. Dans cette perspective, permettre la congélation des embryons surnuméraires – qu’ils soient deux ou sept – ou autoriser un diagnostic préimplantatoire pour sélectionner les plus sains d’entre eux revient dénier à ces embryons une possible essence humaine.

On s’interroge ensuite sur la notion de la «gravité toute particulière» justifiant un DPI. A ce sujet, M. Berset a précisé que l’on entendait limiter le diagnostic aux risques de maladies incurables se déclarant avant l’âge de cinquante ans. Avec tout le respect que l’on doit aux minorités, ouvrir la porte à l’eugénisme par l’autorisation du DPI pour moins de cent cas par année est-il justifiable? En introduisant la possibilité de congeler, puis d’éliminer des embryons surnuméraire, donc en niant l’existence de l’essence humaine de ceux-ci, on ne voit aucune raison de restreindre l’application du DPI, si ce n’est celle d’éviter l’opposition frontale des milieux chrétiens au projet. Gageons qu’une fois la nouvelle réglementation approuvée, les situations autorisant un diagnostic se multiplieront, jusqu’à rejoindre la pratique très libérale de certains États américains, dans lesquels des parents choisissent le sexe de leur enfant par ce moyen. M. Germond parle d’«un pas en avant»; c’est donc qu’il en a d’autres en tête…

Le projet de réforme de la réglementation sur la FIV a encore un long chemin devant lui, puisqu’il nécessite une modification constitutionnelle soumise obligatoirement au peuple et aux cantons. Nous nous y opposerons en temps opportun.

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