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Actualités  |  Mardi 4 novembre 2014

Marcel Regamey, quelques pièces au dossier

Il y a, à Epalinges, un petit chemin qui conduit du collège de la Croix-Blanche au bois de la Chapelle. On lui a donné le nom de Marcel Regamey, «humaniste et patriote vaudois». Dénonçant les déviances idéologiques de celui-ci, un conseiller communal socialiste a proposé de débaptiser le chemin.

Si l'on veut intenter un procès post mortem à M. Regamey, il serait équitable de considérer l'entier de son apport au Canton. Il serait juste aussi de replacer l'article antisémite qu'on lui reproche à l'époque et dans les circonstances où il fut rédigé. Il serait surtout juste de prendre en compte l'évolution générale de sa pensée et de la juger sur son aboutissement. Car jusqu'à sa mort, il ne cessa de la rectifier et de l'approfondir en la confrontant aux réalités sociales et politiques du pays. Dans cette mise au net progressive, le préjugé antisémite qui marquait l'article incriminé s'estompa progressivement pour finir par disparaître.

On a souvent accusé M. Regamey de xénophobie. C'était à tort. Confiant – à l'excès, jugent certains – dans la capacité des Vaudois d'accueillir et d'assimiler les étrangers, il s'opposa dans ses éditoriaux à toutes les initiatives lancées contre la «surpopulation étrangère», qu'il jugeait «contraires à la vie».

Il écrivit plus de mille articles qui influencèrent, dans des mesures diverses, la vie de l'Eglise, les institutions, sa profession d'avocat, l'histoire, la littérature, la musique.

Il fut représentant de l'Etat au Synode et joua un rôle efficace aussi bien dans la fusion des Eglises nationale et libre que dans la mise sur pied d'un statut équitable pour les catholiques vaudois. Durant des années, il tint l'orgue à l'église des Croisettes.

Il organisait chaque semaine un «entretien», au cours duquel lui ou un invité – ce pouvait être un adversaire, sûr d'être bien reçu – abordait un sujet de fond ou d'actualité. La présentation était suivie d'échanges libres, parfois vigoureux, toujours courtois. Ces entretiens hebdomadaires, ouverts à tous, lui ont survécu et sont annoncés sur le site de la Ligue vaudoise.

Il critiquait la démocratie? Autrefois, le roi avait son fou, chargé d'exprimer avec plus ou moins d'humour ce que ses conseillers n'osaient lui dire sérieusement. La démocratie, elle aussi, a besoin d'un fou qui la critique sur le fond et la forme. La Nation a effectivement joué et joue encore occasionnellement ce rôle «politiquement incorrect».

Et puisqu'on parle de démocratie, rappelons que c'est M. Regamey qui a conçu et rédigé la fameuse  initiative pour le retour à la démocratie directe. C'est lui qui en a décidé le lancement. L'initiative a abouti, elle a été acceptée par le peuple et les cantons. Sans elle, nous vivrions aujourd'hui encore sous le régime des pleins pouvoirs fédéraux.

Nous versons ces quelques remarques au dossier que le Conseil communal d'Epalinges traitera la semaine prochaine.

(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 4 novembre 2014)