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Dictateur toi-même!

Le Coin du Ronchon
La Nation n° 2009 9 janvier 2015

Nous évoquons parfois ici, sur un ton sarcastique mais dans un esprit hélas sérieux, les dérives totalitaires de la société actuelle, et en particulier l’intolérance et la brutalité croissantes de ceux-là mêmes qui prétendent lutter contre l’intolérance et la brutalité. Nous l’avons lourdement laissé entendre, par exemple, en citant la Commission fédérale contre le racisme et sa volonté manifeste de mieux surveiller les idées véhiculées par les humoristes.

Ecrire cela suggère forcément quelques lancinantes références historiques – souvent les mêmes, parce que ce sont celles dont on entend le plus parler à l’école et dans les médias. Nous le faisons avec l’espoir de frapper les esprits – si tant est qu’il en reste encore quelques-uns à frapper – mais nous savons que nous nous exposons ainsi à ce qu’un petit malin – ou un petit qui se croit malin – nous attribue un jour, en jubilant, un «point Godwin». Cette expression – du nom de l’avocat américain Mike Godwin, auteur d’une théorie selon laquelle plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1 – dénonce le moment où un débat dégénère et où l’un des protagonistes commence à comparer son adversaire à l’un ou l’autre des pires dictateurs de l’histoire: Hitler bien sûr, mais aussi Staline, parfois Kim Jong-un (moins utilisé car son nom est plus difficile à retenir) ou même Vladimir Poutine (comparaison à manier avec précaution dès lors qu’elle risque plutôt de valoriser votre adversaire).

Nous comprenons bien ce qu’il y a d’abusif à accuser son voisin de nazisme parce qu’il écoute la radio trop fort, tond son gazon le dimanche ou laisse ses enfants crier dans les escaliers. De même, on évitera de traiter de SS tous nos interlocuteurs qui ne pensent pas comme nous: un esprit borné et immature n’implique pas forcément un caractère dictatorial.

En fait, nous n’avons jamais accusé aucun de nos contradicteurs d’être des réincarnations de Hitler ou de Staline. Car pour être un génie du mal, encore faut-il être un génie… Nous disons seulement que les manières et les réactions de ceux qui font profession de lutter «contre le Mal» et «pour le Bien» se radicalisent aujourd’hui jusqu’au grotesque et se rapprochent progressivement de celles de certains régimes totalitaires – à d’autres époques ou dans d’autres pays. Certes, chez nous, les «déviants» et les «insoumis» ne sont pas encore torturés physiquement; mais ce n’est peut-être qu’une question de temps. Car les êtres humains, en moyenne, sont toujours les mêmes, et leurs instincts ignobles et violents, dans une société malade où ils ne sont plus freinés, peuvent se réveiller assez rapidement.

Si le «point Godwin» a été inventé pour décrédibiliser ceux qui dénoncent de vrais problèmes (par exemples nous) ou, en d’autres termes, si ce M. Mike Godwin a fomenté un abominable complot nazi contre le monde libre, eh bien cela ne marchera pas: nous sommes prêts, ici même dans La Nation, à les collectionner avec le même enthousiasme que les points Mondo ou Cumulus!1

 

 1 Nous ne nous sommes jamais intéressés aux vignettes Panini.

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