Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Acrobaties grammaticales

Jacques Perrin
La Nation n° 2150 5 juin 2020

Le virus donne à penser. On réfléchit, on s’interroge, on se questionne, parfois au prix de constructions grammaticales douteuses. On réfléchit à quelles mesures il faudra prendre dans les cinémas après le déconfinement. On réfléchit à comment gérer, à l’international, le monde d’après. On se demande qu’est-ce qu’il faudra faire pour se réinventer. On s’interroge sur quelles propositions citoyennes retenir afin de venir en aide aux plus démunis, etc.

La nouveauté la plus merveilleuse consiste à accorder un mot masculin avec des adjectifs féminins. Pour remplacer son médecin cantonal, le Conseil d’Etat fribourgeois nomme le 1er mars deux femmes en job sharing. Coup double: gestion «audacieuse» du temps de travail; un bastion viril tombe. Le 26 mai les deux dames réputées «professionnellement compétentes» comme il n’est pas permis sont renvoyées à cause de «divergences de vue sur la conduite du service», alors que la pandémie n’est pas encore éteinte. La RTS et la Direction de la santé et des affaires sociales parlent des «deux médecins cantonales fribourgeoises»: on n’en croit pas ses oreilles, mais c’est écrit sur l’écran de télévision.

«Médecin cantonal» est une fonction. Le mot médecin est masculin, le féminin ne peut être construit: médecine et médecinesse sont inutilisables; docteure, doctoresse (ou l’horrible dresse) aussi. On pourrait dire Mme X et Mme Y, médecins cantonaux, comme on dirait Andrew Baxter et Oleg Gromov (noms fictifs), seules recrues satisfaisantes du HC Gottéron la saison dernière. Seulement, dans le premier cas, une discrimination inadmissible pourrait être «ressentie»: allons-y donc pour médecins cantonales fribourgeoises

La langue française se défait tous les jours. Ce n’est plus de l’ignorance, mais de la négligence satisfaite d’elle-même, voire revendiquée.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: