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L’avenir de l’armée

Jean-François Pasche
La Nation n° 2172 9 avril 2021

En chaque début d’année, le Conseil fédéral publie le «message sur l’armée» à l’intention du Parlement. Ce document fixe le cadre des dépenses de la Confédération pour l’armée. Depuis 2017, il est composé d’au moins trois arrêtés fédéraux.

Le premier concerne le programme d’armement, à savoir les dépenses liées au matériel de l’armée, ses armements, ses moyens de communication, de transport etc. Il peut s’agir de nouvelles acquisitions ou de la prolongation de la durée de vie de certains équipements. En 2020, le Conseil fédéral demandait par exemple des crédits pour permettre l’utilisation des chars de grenadiers 2000 jusqu’en 2040, d’autres pour mettre à niveau les PC-21, des avions qui servent à la formation des pilotes de chasse. On trouve encore dans le programme d’armement 2020 le renouvellement du matériel pour l’aide en cas de catastrophe, ainsi que celui des systèmes de contrôle aérien militaires, et enfin la modernisation des moyens de télécommunication de l’armée.

Le deuxième arrêté concerne l’acquisition du matériel de l’armée. Cela comprend principalement l’équipement personnel et les munitions. En gros, il s’agit de coûts liés au fonctionnement de l’armée. Enfin, le troisième arrêté traite du programme immobilier de l’armée.

Chacun de ces trois volets doit être approuvé par le Parlement. Des décisions importantes peuvent faire l’objet d’un arrêté fédéral séparé, comme cela a été le cas en 2020 pour le retrait du système de défense aérienne Rapier ou la fixation d’un plafond de dépenses pour les quatre années à venir1.

Le programme d’armement permet de se faire une bonne idée des évolutions de notre armée. Dans son message sur l’armée de 2021, le Conseil fédéral demande d’importants crédits pour le développement de la composante cyber-défense et du réseau fédéral de conduite de notre armée. Il s’agit principalement de construire un second centre de calcul aux normes de protection militaire (le premier étant déjà en cours de construction) qui doit permettre la permanence du traitement et du transit des informations à travers toute la Suisse aussi en cas de conflit.

En outre, les sapeurs de chars devraient avoir droit à de nouveaux véhicules (les M113 mis en service dans les années soixante sont encore utilisés actuellement!). Des nouveaux équipements de lutte anti-nucléaire, bactériologique et chimique sont aussi demandés. Il y a encore de nouvelles remorques légères qui sont nécessaires pour assurer la continuité avec les anciens modèles qui arrivent en fin de vie, ainsi que des simulateurs pour les armes antichar à destination de l’infanterie acquises à la suite du message sur l’armée de l’année 2016.

Les programmes d’armements des cinq dernières années montrent que la Confédération fait le nécessaire pour que l’armée suisse maintienne ses capacités dans les domaines essentiels. Pour l’artillerie et les troupes blindées, cela passe par la revalorisation du matériel en service depuis deux à trois décennies et l’achat de pièces de rechange. L’infanterie reçoit aussi son lot de nouveau matériel. Nous avons été amusés par le message sur l’armée de 2021, qui prévoit le remplacement des toiles de tentes sous lesquelles plusieurs générations de citoyens-soldats ont dormi. Elle a aussi eu droit au renouvellement de l’équipement personnel, à de nouveaux systèmes de vision nocturne, de nouveaux fusils de précision et bénéficiera aussi du renouvellement du matériel de communication de l’armée.

Parfois, ce sont des capacités perdues ces dernières années qui sont recouvrées. Par exemple, le NLAW, pour new generation light antitank weapon, va permettre aux troupes d’envisager l’attaque de blindés jusqu’à 800 mètres de distance, alors que depuis plusieurs années elles ne disposaient que du Panzerfaust, bien moins perfectionné et autorisant une distance de tir de 300 mètres au plus. Il y a aussi des mortiers de 12cm montés dans des véhicules blindés à roues qui devraient être mis en service prochainement, permettant à l’armée suisse de retrouver une capacité d’appui feu indirect à courte distance.

Il est rassurant de constater que la Confédération fait son possible pour assurer l’avenir matériel de notre armée, alors que nos intellectuels, politiciens et journalistes de gauche ne semblent pas très préoccupés par l’évolution du contexte géopolitique actuel. Pourtant, tous les pays d’Europe se réarment. La France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, pour ne citer que quelques exemples, investissent massivement dans le développement de nouveaux avions de combat, de nouveaux chars et autres équipements lourds, en réponse notamment à la remontée en puissance actée de la Russie.

La Chine aussi est devenue une puissance militaire de premier plan. Le volume de sa flotte de guerre a dépassé celui de l’armée américaine. Certes, nous ne risquons pas une attaque de la Chine. Cependant, les USA n’ont pas la capacité de s’engager sur deux fronts en même temps. S’ils en venaient à un conflit ouvert avec la Chine, ce qui n’est pas impossible étant donné les prétentions de cette dernière sur Taïwan, ils ne pourraient plus assurer la sécurité de l’Europe. Ce n’est pas pour rien que la Suède a décidé d’augmenter son budget militaire de 50% ces prochaines années. Quant à la Grande-Bretagne, elle prévoit d’augmenter de 30% son parc d’armes nucléaires.

Et la Suisse? Du point de vue militaire, elle doit se préparer à toute éventualité, ce qui veut dire maintenir l’ensemble des compétences de son armée. Malgré les compromis budgétaires, cela semble possible. Mais cela n’est qu’une partie du problème, encore faudra-t-il trouver réponse à la question du manque d’effectifs. Le matériel est inutile sans hommes qui savent s’en servir!

Notes:

1    Depuis 2017, le budget de l’armée est fixé pour une période de quatre ans, ce qui permet une meilleure planification des dépenses.

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