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Pagaille en Pays de Vaud

Lionel Hort
La Nation n° 2172 9 avril 2021

A l’occasion de la série de fausses alertes à la bombe ayant récemment frappé des établissements scolaires vaudois, l’UDC a publié un communiqué de presse1 déplorant «la multiplication des menaces et actes terroristes» dans le Canton, situation imputée au laxisme des autorités, c’est-à-dire à la majorité de gauche du Conseil d’Etat. Sans aller jusqu’à établir un lien de cause à effet entre majorité rose-verte au gouvernement et désordres civils généralisés comme le fait le parti agrarien, force est de constater que la situation vaudoise n’est pas très reluisante.

A première vue, la principale cause des troubles dans le Canton est liée aux préoccupations écologiques d’une partie de la population, notamment de la jeunesse. Si le sabotage d’un pylône électrique à Gland en juin 2020 et l’augmentation récente des attaques à motivations anti-spécistes contre les paysans et les bouchers ont laissé de mauvais souvenirs, c’est l’affaire de la colline du Mormont qui a, depuis octobre 2020, occupé l’espace médiatique.

Prétendre que l’évacuation de la ZAD2, achevée en fin de semaine passée, s’est déroulée en toute quiétude serait malhonnête pour les habitants de la région et les policiers caillassés à l’occasion. Reste qu’il n’y eut apparemment pas d’autres heurts que les dommages matériels et la pollution occasionnés par les zadistes, le coût du déploiement des forces de l’ordre et un assaut mineur organisé par des zadistes déçus contre l’Hôtel de police à Lausanne. Les appels à la violence publiés sur les réseaux sociaux, ainsi que la présence de casseurs venus de l’étranger, ne laissent cependant pas de doute quant à la tournure explosive qu’aurait pu prendre l’opération. Parallèlement, l’auberge de Sauvabelin est désormais occupée illégalement par d’autres squatteurs écologistes, le «collectif Roseau».

Ces diverses exactions s’inscrivent dans la suite des événements organisés par Extinction Rebellion, à l’origine d’occupations illégales de locaux privés et de blocages de routes à Lausanne. Cette organisation subversive a reçu de nombreuses marques de soutien de la part de personnalités politiques et scientifiques diverses, notamment à l’occasion de ses procès. Il est parfaitement inacceptable qu’un nombre grandissant de personnalités publiques vaudoises, y compris issues des rangs de l’Eglise, censées donner l’exemple et faire respecter nos lois, manifestent un tel attrait pour la désobéissance civile, moyen d’expression politique soi-disant légitime3.

Certes, on peut considérer la plupart de ces événements comme des variations sur les thèmes récurrents chers aux gauchistes que sont le squat et la grève, y compris dans sa variante féministe. Une politicienne a même comparé les événements récents à «un deuxième Mai 68»4. On n’oubliera pas non plus que la plupart de ces actions d’agitation se sont déroulées en année électorale, ce qui explique évidement une partie du remue-ménage médiatique et les succès subséquents de la gauche aux élections communales.

Ainsi des jeunes gens, certains immatures politiquement, d’autres désœuvrés et en manque de sensations fortes, se sont trouvés embrigadés par des comités de parti cyniques ou des nostalgiques des années «Lôzane bouge».

Pourtant le désordre excède ces phénomènes. On sait les «incivilités» en augmentation, tels que les affrontements entre police et bandes de jeunes à Aigle et à Yverdon à l’occasion des festivités du 1er août, ou encore le retour, avec les beaux jours, du deal et de la mendicité dans les rues de Lausanne. Ces derniers jours, des manifestations ont dégénéré à Sion et à Saint-Gall, rappelant l’affaire du match de foot sauvage dans le quartier des Boveresses à Lausanne, organisé aux mépris des règles sanitaires alors en vigueur le printemps passé.

Ce second type de chaos, plus général, plus diffus, est évidemment à rattacher à différentes causes, dont les bouleversements de l’école et l’hétérogénéité croissante de la population, mais aussi à la réponse donnée par les autorités à la pandémie. Eprouver le «deux poids, deux mesures» insupportable d’un Etat intraitable quant à l’application des mesures sanitaires, mais d’une lenteur pachydermique s’agissant des troubles à l’ordre public, a de quoi susciter incompréhension et colère, et pas uniquement auprès de la jeunesse.

On ne peut terminer sans déplorer le rôle d’une certaine presse dans l’escalade actuelle. On gâcherait nos efforts à lui reprocher de partager l’engouement puéril pour les kermesses féministes et écologistes, ou de jouer sur la terreur sanitaire pour remonter ses ventes déclinantes, mais on aimerait en revanche la voir cesser d’attiser, voire de créer de toutes pièces, des tensions supplémentaires au sein de la population.

Suivre la mode américaine et laisser la part belle aux opinions opposant systématiquement hommes et femmes par féminisme, jeunes et vieux par écologisme, ou Noirs et Blancs par racialisme, est dangereux et néfaste, tout comme le sont les appels à l’émeute et à la «désobéissance».

Seule la considération et la poursuite, parfois tâtonnante, du bien commun concret de notre communauté politique est propre à transcender les oppositions artificiellement entretenues et à dépasser les fantasmes apocalyptiques d’ordre sanitaire ou écologique. Il faut tenir éloignées les pensées séditieuses, de factures individualistes ou collectivistes, celles fondées sur l’urgence et le mépris des lois, celles qui ignorent l’histoire et les mœurs de notre pays aux profits d’abstractions et d’absolu terrestre hors d’atteinte. La finalité de l’action politique, à laquelle doivent naturellement participer les jeunes générations tout comme les mondes scientifique et médiatique à leur manière, est de permettre aux Vaudois de connaître, ici et maintenant, le bien vivre ensemble.

Notes:

1    Voir «La tolérance de la désobéissance civile est le point de départ des alertes à la bombe», communiqué de presse disponible sur le site de l’UDC Vaud, consulté le 25 mars 2021.

2    Pour «zone à défendre».

3    La mise en place par l’Université de Lausanne d’un groupe de travail chargé d’«entourer» la prise de parole publique de ses chercheurs n’est probablement pas étrangère à ces événements.

4    Voir le post de Mme Carmen Tanner sur Twitter, consulté le 28 mars 2021.

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