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Les deux piliers de la démocratie directe

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2183 10 septembre 2021

Le gouvernement, son administration et ses lois dessinent un mouvement qui descend en direction du peuple. En sens inverse, les volontés du peuple montent vers le gouvernement à travers les voix des syndicats, des associations professionnelles, des communautés de toutes sortes qui représentent des intérêts religieux, économiques, culturels, familiaux. Sans ces «communautés intermédiaires» qui le structurent, le peuple ne serait qu’une masse informe et impuissante d’individus isolés, telle que les souhaitent les pouvoirs totalitaires.

Les communautés intermédiaires, chacune dans sa partie, informent le pouvoir, lui donnent une image plus précise de la société et font valoir les intérêts particuliers dont elles ont la charge. Face à l’unité étatique, ces voix montantes représentent la diversité sociale.

En Suisse, les négociations avec le pouvoir sont renforcées par la possibilité de recourir aux instruments de la démocratie directe. Cela permet d’intervenir dans les processus politiques plus efficacement que par des grèves ou des manifestations publiques, le référendum et l’initiative ayant des effets juridiquement contraignants pour le pouvoir. On y recourt pour faire mieux valoir des intérêts particuliers qui sont négligés ou mal traités par le pouvoir. La seule existence de la démocratie directe, par la menace qu’elle fait planer, suffit d’ailleurs souvent à contenir les foucades législatives du Parlement.

Cette forme de représentation, assez rudimentaire, des intérêts concrets de la population constitue le premier pilier de la démocratie directe.

Le second pilier, c’est la souveraineté du peuple. C’est cette idée mystique que le peuple est à l’origine du pouvoir et qu’il conserve par conséquent le droit du dernier mot.

Cette conception du pouvoir exigerait, idéalement, que le peuple décide sans intermédiaire. On en a un bon exemple avec les petites communes à conseil général, dans lesquelles il suffit à tout citoyen de prêter serment pour participer de plein droit aux décisions politiques. Ici, nul besoin de référendum ou d’initiative. Mais dès que la communauté politique prend une certaine ampleur et la politique une certaine complexité, la participation directe de tous devient impossible. Dès lors, et pour des motifs pratiques, le peuple est forcé d’élire des représentants, des parlementaires qui décideront pour lui. Dans un tel système de représentation, la souveraineté populaire devient automatiquement indirecte, lointaine, pour ne pas dire mythique.

Il se peut – les exemples ne manquent pas – que des parlementaires travaillent mal. Sans la démocratie directe, le seul recours du peuple réside alors dans les prochaines élections qui lui permettront, peut-être, de modifier la composition du Parlement. Recours théorique et notoirement insuffisant!

A cela s’ajoute cette incongruité qui veut que le Parlement soit à la fois «représentatif» et «législatif». Cela fait qu’au Parlement, le pouvoir descendant de la loi et les voix montantes du peuple se brouillent les uns les autres: les mandataires commandent au mandant. Cette contradiction aussi appelle un correctif.

Les institutions de la démocratie directe permettent au peuple de rappeler aux parlementaires que c’est lui qui les a faits et qu’il peut les défaire, qu’il reste la source de leur légitimité. Elles s’opposent aux inévitables dérives autoritaires que connaît tout pouvoir sans contre-pouvoirs en face de lui. Elles contraignent aussi l’officialité à ne pas trop s’éloigner du peuple.

Le premier pilier de la démocratie directe est traditionnel et organique, le second est moderne et abstrait. L’un exprime la diversité de la population, l’autre l’égalité des individus. L’un est économique et social, l’autre est idéologique et électoral. Leur inspiration est opposée, mais leurs effets conjugués sont généralement bénéfiques.

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