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«Stop F-35»: une initiative nulle?

Félicien Monnier
La Nation n° 2202 3 juin 2022

Dans quelques mois, la question se posera aux Chambres de la validité de l’initiative anti F-35. Il est difficile de soutenir qu’elle viole les exigences constitutionnelles d’unité de forme et de matière1. Mais le GSsA n’aurait-il pas créé un nouveau motif d’invalidité, certes non prévu? Le texte constitue une décision concrète: «La Confédération n’achète pas d’avions de combat de type F-35». Or une initiative populaire a pour fonction de «demander la révision partielle de la Constitution»2. Dès lors que la Constitution est un texte législatif, elle ne peut prendre qu’une forme générale et abstraite. Une révision devra donc, à son tour, être formulée de cette manière. On ne «révise» pas la Constitution en prenant une décision d’espèce, individuelle et concrète.

On constate cependant que le moratoire sur le nucléaire (initiative «Halte à la construction de centrales nucléaires (moratoire)») adopté le 23 septembre 1990 interdisait que de nouvelles centrales soient autorisées durant 10 ans. S’agissait-il d’une norme générale et abstraite (loi) ou d’un acte individuel et concret (décision)? L’initiative demandait implicitement une suspension de la loi sur l’énergie atomique du 23 décembre 1959, en ce sens que plus aucune autorisation, au sens de la loi, ne serait accordée à de nouvelles centrales. De cette manière l’initiative s’incarnait de manière assez fluide dans notre ordre juridique. Cela est moins clair avec l’initiative contre le F-35. En cas d’acceptation elle ne suspendrait pas un acte législatif du parlement. Elle n’annulerait probablement même pas «l’arrêté de planification» financière accepté le 27 septembre 2020. Elle se contenterait de restreindre les possibilités de choix des autorités, en supprimant le F-35 du panel.

A force de ferrailler contre l’armée, la gauche et le GSsA ont fait pénétrer dans les esprits que toute question militaire peut être soumise au vote et à la remise en cause permanente. Mais quel sort le parlement réserverait-il à une initiative disant: «La Confédération n’achète pas de machines à café Nespresso pour l’Office fédéral du développement territorial»?

En réalité, la question n’est pas de savoir si l’initiative anti F-35 respecte les conditions de validité des initiatives populaires, elle est de savoir s’il s’agit vraiment d’une initiative populaire. Probablement la Chancellerie fédérale aurait-elle dû se montrer plus sourcilleuse dans l’accompagnement des auteurs du texte.

Il ne serait cependant pas opportun que le parlement se donne trop de libertés avec la démocratie directe, et invalide l’initiative. La démocratie directe a aussi pour fonction de contrecarrer le parlement. Le danger est toujours grand que les Chambres prennent de mauvaises habitudes. Souvenons-nous du sort réservé à l’initiative du 9 février 2014, jamais appliquée dans sa totalité.

Un rejet de l’initiative anti F-35 par les urnes sera préférable à une invalidation parlementaire.

Notes:

1    Jean-François Cavin, «F-35 et fausse rétroactivité», in La Nation n°2184, du 24 septembre 2021.

2    Art 139 al. 1 Constitution fédérale.

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