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L’initiative Ecole 2010 «améliore sans chambarder»

Sophie Paschoud
La Nation n° 1918 1er juillet 2011
Dans le cadre du débat sur l’école vaudoise, la presse a beaucoup évoqué le projet de loi sur l’enseignement obligatoire (LEO), «bébé» de Mme Lyon récemment adopté par le Grand Conseil, censé servir de contre-projet à l’initiative «Ecole 2010». Mais sur l’initiative elle-même, il n’a pour l’heure pas été écrit grand’chose, sous réserve de quelques descriptions caricaturales laissant entendre que le texte propose le retour à «l’école de grand-papa». Qu’en est-il exactement?

L’initiative «Ecole 2010» est le fruit d’une démarche conduite par deux associations de parents (l’Association de parents intéressés et concernés par la scolarité, ASPICS, et l’Association vaudoise de parents chrétiens, AVPC) et une association d’enseignants (l’Association vaudoise pour une école crédible, AVEC), dont les objectifs sont dénués de toute composante idéologique, politique ou électoraliste. Le constat qui est à l’origine de l’initiative est celui d’une baisse générale et constante du niveau des élèves, en tout cas dans les matières fondamentales, ce que déplorent aussi bien les parents que les enseignants (de l’école obligatoire à l’Université) et les maîtres d’apprentissage.

Il est évidemment aisé de rappeler doctement qu’on nous sert invariablement la même rengaine depuis Platon, ce qui permet de minimiser le problème tout en montrant la vaste étendue de sa culture. Les initiants ont pour leur part préféré prendre des mesures. A juste titre opposés à une vision de l’école où «l’apprentissage ne doit pas être une contrainte, mais un jeu, dans laquelle le savoir ne vient pas a priori des connaissances accumulées par les générations, mais émane du génie propre à chaque enfant», ils ont décidé de modifier plusieurs dispositions de la loi scolaire actuelle, afin de corriger ou d’améliorer ce qui mérite de l’être, tout en veillant à ne pas tout chambouler une nouvelle fois, dès lors que l’école vaudoise a indéniablement souffert de ses réformes successives. Ils ont en particulier choisi de ne pas mettre en cause le système des trois filières à l’école secondaire, lequel a fait ses preuves et se justifie pleinement tant au regard des différences d’aptitudes entre les élèves que des exigences des formations ultérieures.

Leurs propositions se déclinent ainsi en cinq axes principaux. Il s’agit d’abord de renforcer les voies qui ne conduisent pas aux formations académiques, soit la voie secondaire générale (VSG) et, surtout, la très décriée voie secondaire à options (VSO). Les élèves orientés dans cette filière (rebaptisée voie préprofessionnelle) devraient obligatoirement suivre deux options spécifiques (en français, mathématiques, allemand, anglais ou commerce et droit) et une option dite de compétence «orientée métiers», dont la liste devrait être dressée par le Département, mais qui ne sauraient en aucun cas s’apparenter à des loisirs. Il est en effet urgent de rehausser le niveau de ces élèves qui constituent la relève des métiers, car, si les entreprises continuent dans leur très grande majorité à les former, elles n’en constatent pas moins d’énormes carences en matière d’orthographe et d’opérations mathématiques simples notamment. Et ce n’est évidemment pas en supprimant la VSO que l’on résoudra le problème.

Le deuxième élément concerne les programmes et les objectifs, qui se déclinent actuellement en cycles de deux ans jusqu’à la fin de la sixième année. Les initiants souhaitent au contraire un découpage annuel, rythme naturel qui permet un meilleur suivi des progrès de l’élève et un repérage plus rapide de ses lacunes.

Ils réclament ensuite des conditions de promotion claires et précises, fondées sur des notes, des moyennes de branche et une moyenne générale, ce dès la première année primaire. Les notes constituent indéniablement un mode de communication des évaluations compris de tous, qui ne se prête ainsi guère à des interprétations et des contestations, et rend les critères de promotion objectifs. Elles ne s’opposent par ailleurs nullement à des appréciations parallèles sur les progrès et l’attitude face au travail ni à des encouragements. Il n’y a donc pas lieu de se laisser émouvoir par les pourfendeurs des notes qui y voient un scandaleux mode de discrimination entre élèves, une pénalisation ou encore une source de traumatisme impliquant la mise en place régulière de cellules psychologiques de crise. On ne voit en outre pas en quoi l’obtention d’un «non atteint» serait meilleure pour l’estime de soi et moins susceptible de décourager l’élève que celle d’une mauvaise note. Il ne faut pas non plus se laisser séduire par le compromis introduit dans la LEO, à savoir des notes dès la troisième année, mais sans moyenne générale. Cette dernière est en effet indispensable, dès lors qu’elle doit fonder la décision d’autoriser l’élève à poursuivre sa scolarité au degré suivant. A défaut, les notes ne sont en définitive que des appréciations chiffrées qui ne résolvent en rien la problématique du flou, de l’ambiguïté, voire de l’arbitraire des conditions de promotion.

Le quatrième axe de l’initiative concerne les méthodes pédagogiques. Malgré leur inefficacité dans la très grande majorité des cas, ce sont les méthodes de nature «constructiviste» (où l’élève «au centre» est mis en situation de découverte afin qu’il construise lui-même son savoir, alors qu’il n’a pas les outils nécessaires pour y parvenir) qui sont imposées aux enseignants depuis près de trente ans. Les initiants réclament donc que la liberté pédagogique soit inscrite en toutes lettres dans la loi et que la priorité soit donnée aux méthodes dites explicites, qui vont du simple au complexe, sont systématiques, structurées, et accompagnées d’une théorie à laquelle se rattachent des exercices. Ces méthodes présentent par ailleurs l’avantage d’être accessibles aux parents qui souhaitent aider leurs enfants ou tout simplement comprendre ce qu’ils apprennent à l’école.

L’initiative réclame enfin la création de classes régionales d’encadrement, dispensant l’enseignement des trois filières du secondaire, où les élèves aptes à suivre le programme ordinaire mais souffrant de problèmes comportementaux seraient orientés pour un an au moins. Ils y seraient encadrés par des enseignants expérimentés et bénéficieraient d’appuis et de devoirs surveillés. C’est à tort que d’aucuns y voient une mesure scandaleusement ségrégative, une forme d’incarcération de ceux qui ne se coulent pas parfaitement dans le moule. Il s’agit, certes, de soulager les classes dans lesquelles il est devenu presque impossible d’enseigner à cause d’un unique élément perturbateur, mais aussi et surtout de permettre aux jeunes concernés de revenir sur le «droit chemin» sans mettre en péril leur formation.

Toutes ces propositions, qui relèvent du simple bon sens, sont fondées sur les constats de personnes vivant quotidiennement le système de l’intérieur et non sur les théories délirantes de pédagogistes qui n’ont jamais vu un enfant de près. L’initiative, qui sera soumise au vote le 4 septembre, doit être approuvée, et son prétendu contre-projet rejeté. On ne saurait en effet se satisfaire d’un compromis politicien qui arrache des larmes de bonheur à la conseillère d’Etat en charge du dossier et amène socialistes et radicaux à se congratuler parmi pour leur extraordinaire sens du consensus, mais qui ne résout en rien les problèmes de l’école vaudoise.

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