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Le mythe des échanges linguistiques

Ernest JominiRevue de presse
La Nation n° 1918 1er juillet 2011
Nous lisons dans la Constitution fédérale (art.70 al. 3): «La Confédération et les cantons encouragent la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques.» Avec quel résultat? Dans L’Hebdo du 23 juin («L’allemand et les ados»), Mme Tasha Rumley nous raconte comment, après avoir reçu à Genève une classe d’adolescents zuricois de quatorze ans, une classe du Petit-Lancy s’en est allée à son tour passer cinq jours à Zurich. Après avoir constaté que les Romands ne comprennent rien aux cours en allemand donnés en classe, la journaliste poursuit:

[…] D’élève à élève la communication ne semble guère fructueuse. En groupe, les ados doivent remplir des fiches au cours de visites, du musée au zoo, en passant par la baignade. Les Alémaniques remplissent les leurs à toute vitesse alors que les Romands y jettent un oeil perplexe. Ils se tiennent irrémédiablement en clans distincts et se parlent à peine. Des ébauches de phrases surgissent, «kannst du… euh, comment on dit…», hachées par le feuilletage du dictionnaire. […]

Côté alémanique, un rayon d’enthousiasme perce. La clique des mâles à la mèche sur les yeux n’est pas mécontente de se lier à une classe surpeuplée de filles. Mieux dans leurs baskets, ce sont eux qui se risquent en français et font des progrès. Or, le rapprochement des demoiselles romandes avec les tombeurs alémaniques n’est pas du goût des filles zurichoises – en plus contraintes de loger chez elles ces rivales du bout du lac. «Les filles nous détestent, elles sont jalouses!», lâchent Mélanie, Sonia et Rebecca, de Genève. Ambiance Dallas propre à submerger l’objectif pédagogique. Alors quand le soir venu, les binômes féminins se retrouvent à la maison, on frôle l’absurde. «On ne discute pas avec ma correspondante, raconte Andreia. Je passe la soirée avec des amis sur mon natel.»

En fait, ce sont les jeunes mâles, zuricois de surcroît – inégalité insupportable! – qui sont les grands bénéficiaires de l’opération. Conclusion de l’article:

[…] A l’avenir, aucun des Alémaniques ou des Romands ne s’imagine un séjour linguistique de longue durée, ont-ils déclaré à la journaliste curieuse. Pour combler le Röstigraben, on repassera.

Les bureaux cantonaux et fédéraux, qui patronnent et financent de tels échanges, imaginent contribuer ainsi à combler le Röstigraben et à créer «l’esprit suisse». Douce illusion.

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