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Lettre ouverte à un diacre

Olivier Klunge
La Nation n° 1918 1er juillet 2011
Mon cher,

Comme diacre, vous êtes responsable régional du catéchisme et de la jeunesse pour Lausanne (Région 12 de l’EERV). J’ai eu l’occasion de voir, lors de cultes ou d’événements paroissiaux, que vous vous acquittiez de cette mission avec beaucoup de talent et un succès certain. Si je n’ai jamais eu l’occasion de travailler directement avec vous, les échos qui me sont parvenus de votre ministère sont positifs, parfois même enthousiastes. Certes, vous donnez parfois quelque coup de pied dans la fourmillère, mais c’est peut-être aussi le rôle d’un responsable de la jeunesse et certainement ce qu’attendent les adolescents.

J’ai donc l’impression que vous avez trouvé votre place dans l’organisation ecclésiale vaudoise et que ce rôle correspond pleinement à votre consécration diaconale. Cependant, je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous avez célébré le baptême de deux adolescents lors de l’aube pascale et du culte de l’Ascension.

Ces deux cultes étaient présidés par un pasteur, il ne s’agissait donc pas d’une nécessité pratique due à des vacances pastorales; du reste, plusieurs pasteurs retraités étaient également présents. La célébration des sacrements par un diacre est certes juridiquement admise par l’Eglise réformée vaudoise, mais uniquement dans le cadre d’une délégation pastorale1.

Le Règlement ecclésiastique, adopté en 2009, est d’ailleurs clair: le pasteur anime et stimule la vie du lieu d’Eglise où il exerce son ministère; il rassemble le peuple de Dieu par la parole et les sacrements (article 167); le diacre anime et stimule la vie du lieu d’Eglise où il exerce son ministère; il forme et entraîne le peuple de Dieu au service et au témoignage dans le monde (article 168).

Ainsi, en célébrant les sacrements, vous prenez le rôle d’un pasteur, quittant votre rôle de diacre, et donnez ainsi à croire aux fidèles que le diacre n’est finalement qu’un pasteur non théologien, ou pire un substitut bon marché du pasteur. C’est très regrettable. Dans toutes les Eglises, sur le modèle de l’Eglise primitive, le ministère de diacre est reconnu dans sa spécificité et sa nécessité2. Le diaconat est un ministère ordonné plein et entier. Ce n’est pas un sous-pastorat, mais un ministère complémentaire à ce dernier. Pour prendre une analogie judiciaire, le rôle du juge dans le procès n’est pas le même que celui de l’avocat; et si c’est le juge qui conduit le procès, l’avocat n’est pas pour autant son inférieur, ni en fonction, ni en dignité.

Face à l’indifférence de la société contemporaine pour les questions théologiques et les attentes de l’Etat et du public pour un rôle social de l’Eglise, la diaconie est un des défis majeurs de nos Eglises occidentales aujourd’hui. Nous avons donc besoin de diacres. L’Eglise a besoin de reconnaître la spécificité du ministère diaconal qui n’est pas non plus un bénévole professionnel, mais qui a une mission, un ministère propre. Si les diacres eux-mêmes ne témoignent pas de cette réalité, qui le fera?

Vous me direz que, si vous avez célébré ces baptêmes, c’est parce qu’il s’agissait de jeunes que vous avez accompagnés durant plusieurs années dans leur cheminement spirituel et sans doute vous ont-ils eux-mêmes sollicité. Je comprends l’importance de cette dimension horizontale du sacrement, du fait que c’est aussi dans l’amitié témoignée par nos frères que nous pouvons rencontrer le Christ. Il ne s’agit cependant pas que de cela. Le baptême n’implique pas seulement le baptisé, mais d’abord Dieu qui fait alliance avec ce nouveau-né en Christ; ensuite la communauté ecclésiale qui témoigne de la vérité et de la force de l’engagement pris par le Seigneur envers ce nouveau membre de Son corps. D’ailleurs, ne serait-il pas justement pédagogique d’expliquer au jeune demandant le baptême la différence entre un diacre et un pasteur et le rôle de chacun? Cela n’exclut nullement que le diacre ait un rôle important, dans ce type de culte en particulier.

Enfin, je vois encore un élément plus circonstanciel. Si votre ministère auprès des jeunes est fécond et qu’il correspond aux attentes de cet âge de vouloir se retrouver «entre soi» et que la vie de nos paroisses n’est souvent que peu adaptée aux attentes des adolescents, on ne reste cependant pas jeune éternellement. Le cheminement logique pour le jeune chrétien est de rejoindre une communauté paroissiale, qui est la communauté ecclésiale fondamentale. Il est ainsi utile que le pasteur paroissial intervienne régulièrement dans les activités de jeunesse pour marquer la présence et le souci de la communauté envers ces jeunes. Pareillement, le fait de recevoir les sacrements non du responsable du groupe de jeunes, mais du pasteur paroissial, montrera aussi aux adolescents que leur groupe n’est pas l’Eglise et a besoin de s’intégrer dans l’Eglise et les paroisses.

Mon cher, j’espère que vous comprendrez par ce courrier le profond respect que j’ai pour votre ministère et pour votre dévouement aux jeunes Lausannois, ainsi que mon souci de donner aux diacres leur rôle plein et spécifique dans notre Eglise.

Dans cet esprit, je vous prie de recevoir l’expression de mes sentiments dévoués.

 

NOTES:

1 Règlement ecclésiastique, art. 247, d’ailleurs soumis à la demande du Conseil paroissial.

2 Par exemple, document Baptême, Eucharistie et ministères de Foi et Constitution, para. 31., p. 67.

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