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I study french literature in Paris and I speak french

Charlotte Monnier
La Nation n° 1958 11 janvier 2013

Prendre le petit déjeuner à côté d’une doctorante en sciences économiques d’origine asiatique et dîner le même soir en compagnie d’un étudiant canadien en mercatique et gestion d’entreprise. Voilà qui n’est pas seulement le propre d’un trajet à bord d’un long courrier à destination de Sydney. C’est aussi le quotidien de la vie à la Cité universitaire de Paris. «10’000 étudiants, chercheurs et artistes accueillis chaque année, plus de 140 nationalités, 40 maisons, de nombreux services: la Cité internationale universitaire est un lieu unique au monde.»1 Et c’est vrai. Avoir l’occasion d’y loger représente une occasion unique et il est bon de se rappeler de temps en temps qu’y avoir été admise épargne bien des soucis que d’autres étudiants, pourtant Parisiens de pure souche, sont amenés à rencontrer. Mais cela ne doit pas non plus nous priver d’un regard sinon critique, du moins observateur.

Est-il dans l’absolu raisonnable de considérer qu’un séjour en Cité Universitaire puisse offrir un aperçu des cultures du monde entier, nous permettant ainsi de nous enrichir des mœurs et coutumes de notre prochain, de quelque continent qu’il provienne? N’est-ce pas ici le fruit utopique d’une imagination par trop socialisante et mondialiste? Pour avoir osé poser la question devant les cuisinières électriques du sous-sol du Collège d’Espagne, dans un anglais lacunaire, à un Argentin, je vous confirme sa dimension politiquement incorrecte et son inclination à faire de vous l’étudiant le plus psychorigide qui soit, suisse de surcroît.

Avoir eu l’audace de remettre ainsi modestement en question la bienveillante intention humaniste de la Cité Universitaire a fait de moi, l’espace de quelques minutes, une nationaliste du genre à voter pour les affiches «with black sheep and all the rest that you think in Switzerland»2. Well… On s’éloigne du cliché de l’edelweiss et des boules rouges de Lindt. A moitié confiante en mes capacités à défendre les couleurs politiques de mon drapeau dans une langue étrangère, j’élude donc cautiously le débat. Mais il ne m’en reste pas moins le regret de n’avoir pu franchir l’impitoyable barrière linguistique et, partant, celui de n’avoir pu mener la discussion au moins assez loin pour qu’elle ne perde pas tout intérêt.

La rencontre, au nom d’un internationalisme bien-pensant, de mon «concitoyen» de l’autre bout du monde est-elle donc condamnée à la superficialité et nos discussions à de médiocres clichés? Que restera-t-il de nos échanges sinon une longue série de frustrations et de malentendus? A l’heure où Facebook nous fait signer tous les jours de nouveaux pactes d’amitié à vie, osons malgré tout croire que la discussion reste possible et que les progrès que je m’apprête à faire en anglais (en plein Paris) sauront limiter les présupposés de mes interlocuteurs. En attendant, j’aurai au moins appris, devant cette même cuisinière électrique du sous-sol du collège d’Espagne, que la Sangria… that’s only for tourists!

 

NOTES:

1 www.ciup.fr

2 (Les affiches) avec les moutons noirs et tout ce que vous en pensez en Suisse.

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