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Homosexualité et prescriptions vétérotestamentaires

Denis Ramelet
La Nation n° 1958 11 janvier 2013

Dans les discussions qui ont précédé et suivi la décision du Synode de l’EERV de permettre la bénédiction des unions homosexuelles, les chrétiens traditionnels ont invoqué – à juste titre – la condamnation des actes homosexuels dans l’Ancien Testament, en particulier dans le Lévitique (18:22 et 20:13). Ce à quoi les partisans de la décision du Synode ont répondu que si les chrétiens se sont affranchis des interdits alimentaires et autres règles de pureté, ils peuvent aussi s’affranchir de la condamnation des actes homosexuels.

Cette réponse ignore – ou feint d’ignorer – que la théologie chrétienne traditionnelle, tant catholique que réformée, distingue trois catégories dans les prescriptions vétérotestamentaires. En effet, Thomas d’Aquin1 et Calvin2 distinguent, en des termes quasiment identiques, les préceptes «moraux», «judiciaires»3 et «cérémoniels». Cette trichotomie se fonde sur Deutéronome 6:1: «Voici les commandements, les lois et les ordonnances que le Seigneur votre Dieu a ordonné de vous enseigner…»

Les préceptes «cérémoniels» sont les prescriptions relatives aux pratiques rituelles de l’ancienne alliance: interdits alimentaires, règles de pureté et, surtout, sacrifices. Or, l’ancienne alliance, conclue avec Dieu par Moïse au nom du peuple d’Israël sur le Sinaï, a été non seulement parfaitement accomplie mais encore dépassée – et donc rendue caduque – par la nouvelle alliance scellée par le sacrifice du Christ sur la Croix au nom de l’humanité entière, tous les hommes étant appelés à faire partie de l’Eglise, nouveau peuple élu. S’il est cohérent pour les juifs, qui ne croient pas que le Messie est déjà venu, de continuer d’observer les pratiques rituelles prescrites par Moïse, l’observation de ces pratiques constituerait pour les chrétiens un reniement de l’œuvre accomplie par Jésus-Christ, raison pour laquelle les chrétiens ont l’interdiction d’observer ces pratiques.

Les préceptes «moraux» sont les prescriptions morales essentielles. Il s’agit des Dix Commandements ainsi que des commandements, positifs ou négatifs, qui en découlent. Ces commandements sont de droit naturel car ils découlent de la nature que Dieu a donnée aux êtres et aux choses. Comme la nature sur laquelle ils se fondent, ils sont permanents et les chrétiens ont donc l’obligation d’observer ces préceptes. La sexualité étant par nature ordonnée à la procréation, l’Eglise est obligée de condamner les actes homosexuels.

Les préceptes «judiciaires» ou «politiques», enfin, sont des règles de droit positif promulguées par Dieu en considération de la vocation particulière qui était celle du peuple élu de l’ancienne alliance. Il s’agit, par exemple, du jubilé4 ou des sanctions – très sévères – que la loi de Moïse prévoit pour certains actes, parmi lesquels les actes homosexuels. Un législateur chrétien n’a ni l’obligation ni l’interdiction mais la possibilité de s’inspirer de ces préceptes, pour autant qu’il l’estime juste et prudent dans la situation matérielle, morale et spirituelle qui est celle du peuple dont il a la charge.

Ainsi donc, le fait que l’Eglise ait l’obligation de s’affranchir des interdits alimentaires et autres règles de pureté, qui sont des préceptes cérémoniels caducs, n’implique pas du tout qu’elle ait l’obligation ou même seulement la permission de s’affranchir de la condamnation des actes homosexuels, qui est un précepte moral permanent. De même, le fait que l’Eglise soit obligée de condamner moralement les actes homosexuels n’implique pas du tout qu’elle soit aussi obligée de réclamer des sanctions pénales contre les auteurs de ces actes.

L’Eglise condamne les actes homosexuels comme elle condamne le vol ou la l’adultère. Pour autant, elle ne désespère pas de la sanctification des personnes souffrant de tendances homosexuelles, comme elle ne désespère pas de la sanctification des voleurs, des adultères, des égoïstes et même des orgueilleux.

 

NOTES:

1 Somme théologique, partie 1-2, question 99, articles 2 à 4.

2 Institution chrétienne, livre IV, chapitre 20, § 14-15.

3 Calvin les appelle aussi «politiques».

4 Retour de la terre, tous les 50 ans, à la famille qui en était propriétaire à l’origine (Lv 25:10,13).

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